8èmes Journées de Formation
GREPFA-France
PLACEMENTS D’ANTAN, ACCUEILS D’AUJOURD’HUI
L’INDICATION D’AFT EN QUESTION
Grand Amphithéâtre CMME - Hôpital Sainte-Anne
PARIS
29 et 30 mai 2008
COMITE D’ORGANISATION
M. BERNARD, F. BESSON, J.C.CEBULA, S. CHEREF,
B. GADEYNE, P. GALISSON, J.-M. GENTIZON, D. GORANS,
R. GOUREVITCH, V. ISTRIA, S. LECOIN, B. MELIARENNE,
M. RANJCHAPEL-GRANAT, M. REVEILLAUD, C.ROCHE,
J.J. VAUCHEL, A. VELASCO, D. TRIQUENAUX
CORRESPONDANCE :
GREPFA Congrès 2008 http://grepfa.free.fr
Mme Blanche MELIARENNE
CMP - 39, avenue de la République
75011 PARIS - FRANCE
Tél : (+33) 01.43.57.52.64 Fax : (+33) 01.43.57.10.33
e.mail : blanche0808@wanadoo.fr ou sylvain.lecoin@neuf.fr
CH Sainte-Anne :
Mme Dominique TRIQUENAUX et Dr Alberto VELASCO
Centre Hospitalier Sainte-Anne
Direction des Patients, des Affaires Juridiques et du Secteur Médico-Social
1 rue Cabanis - 75674 PARIS Cedex 14 - FRANCE
Tél : (+33) 01 45 65 74 12
e-mail : d.triquenaux@ch-sainte-anne.fr ou
alberto.velasco@wanadoo.fr
Avec le soutien institutionnel du Laboratoire Lilly,
et des Laboratoires Bristol-Myers Squibb et Otsuka Pharmaceutical France SAS.
Groupe de Recherche Européen en Placement Familial
8èmes Journées de Formation
PLACEMENTS D’ANTAN,
ACCUEILS D’AUJOURD’HUI
L’INDICATION D’AFT EN QUESTION
Jeudi 29 et vendredi 30 mai 2008
Grand Amphithéâtre CMME - Hôpital Sainte-Anne
PARIS
Depuis les colonies familiales et les déplacements de patients vers les campagnes pour vider les
hôpitaux psychiatriques, l’accueil familial thérapeutique a bien évolué, encadré par un
ensemble de textes réglementaires. D’instrument de relégation il est devenu une des modalités
de prise en charge des patients dans l’éventail du dispositif thérapeutique.
Quelle incidence cette évolution a-t-elle sur l’indication d’accueil familial ? Peut-on seulement
considérer que l’on est passé d’indication « par défaut » à des indications « positives »,
médicalement élaborées et accompagnées ?
Désormais partenaires reconnus, quel regard les familles portent-elles sur les indications
d’AFT portées par les équipes de soin ? Quelles sont les différences avec les attentes liées aux
accueils sociaux et avec les placements d’autrefois ?
En quoi l’émergence de nouveaux modes d’expression pathologique nous incite-t-elle à
repenser l’offre et les modalités d’accueil familial ? Comment l’AFT reste-t-il un élément du
dispositif de soin ? Pour quelles indications ? Les réponses proposées par les accueils
séquentiels ou à temps partiel sont-elles amenées à se développer voire à se généraliser ?
Dans un contexte global de réorganisation du système de santé, dans un souci de rationalisation
des coûts, dans un moment d’encombrement des services de psychiatrie, comment comprendre
la remise en question dans de nombreux hôpitaux des unités d’accueil familial ? L’AFT reste-t-
il une «indication rentable » pour les institutions ?
ASSOCIATION REGIE PAR LA LOI DU 1er Juillet 1901 Statuts déposés le 23/01/1992
SIEGE SOCIAL : 39, avenue de la République 75011 PARIS
Tél : (+33) 01.43.57.52.64 Fax : (+33) 01.43.57.10.33 http://grepfa.free.fr
N° de Formation Continue : 1175 25 55 675 N° SIRET : 414204974 CODE APE : 913
JEUDI 29 MAI 2008
13 heures : ACCUEIL DES PARTICIPANTS
14 heures : OUVERTURE DU CONGRES
14 h 30 17 h 30 : SEANCES PLENIERES
14 h 30 : M. Jean GARRABE (Paris)
Réponses à l'isolement familial des malades dans l'histoire de la psychiatrie
française aux XIXème et XXème siècles.
15 h 15 : Dr Jean-Michel GENTIZON (Paris)
Années 1970 : la fin des colonies familiales.
16 h : PAUSE
16 h 30 : M. Fabrice LAURAIN (Amiens)
Le choix institutionnel de développer l’accueil familial thérapeutique ou l’accueil
en lieu de vie : éléments d’une décision stratégique et politique- du projet de vie à
l’action institutionnelle et territoriale.
17 h 30 : ASSEMBLEE GENERALE DU GREPFA France
VENDREDI 30 MAI 2008
9 h 12 h 30 : ATELIERS (Voir détails page de droite)
12 h 30 14 h : DEJEUNER
14 h 00 17h00 : SEANCE PLENIERE
14 h 00 : Dr Daniel GORANS (Nantes) : « L’étrange place à trois temps. »
14 h 20 : SYNTHESE DES ATELIERS - DISCUSSIONS
15h 30 : PAUSE
15 h 45 : M. Gianfranco ALUFFI (Turin) : 10 ans d’AFT en Italie.
16h 15 : M. Jean-Claude CEBULA (Nantes) : Histoires et actualités de placements
et de déplacements : des indicateurs pour les indications en AFT.
16 h 45 17 h 00 : CONCLUSION DU CONGRES
DETAIL DES ATELIERS
Vendredi 30 Mai 2008
9 h 00 à 12 h 30
(Pause de 10 h 15 à 10 h 45)
ATELIER N° 1 : FAMILLE D’ORIGINE ET INDICATION D’AFT
C. Martin, F. Renard et P. Henin (CMP Yerres) : Quel soin possible pour un patient
accueilli pris dans la rivalité famille d’accueil famille d’origine ?
R. Bocquet, B. Chrzanowski, S. Pereira lopez, P. Favre taillaz, A. Mirdjalali, C. Perrot,
Dr Velasco (Secteur 3, CH Ste-Anne, Paris) : Famille de naissance. Renaissance en famille.
ATELIER N° 2 : L’INDICATION POSITIVE D’AFT
Dr Rochet et J. Jung (CHS Le Vinatier, Lyon) : Vers une spécificité de l’indication d’AFT.
Dr Pavelka et Mme Guiader (UAFT Essonne) : De l’indication de soin en A.F.T. enfant ;
Dr Rousset, A. Garcia, Dr Cheref (Secteur 13, CH Ste-Anne, Paris) :L’AFT, outil de soins,
outil institutionnel : Vignette clinique
ATELIER N° 3 : REGARDS DES FAMILLES D’ACCUEIL ET DES
PATIENTS SUR LES INDICATIONS D’AFT
Dr Gadeyne et l’équipe du Secteur 18 du CH Ste Anne (Secteur 18 CH Ste-Anne, Paris) :
Mots de familles d’accueil sur maux de patients.
A. Ausset, E. Léger, G. Loiseau, B. Méliarenne (A.F.T. Secteur G08 CH Esquirol, Paris) :
Paroles autour du quotidien.
ATELIER N° 4 : EVOLUTION DES PATHOLOGIES ET DES
INDICATIONS EN AFT
Dr Squillante, Dr Bazire, Mme Le Maître (Equipe AFT CHU de Brest) : Placement familial
thérapeutique un et pluriel
Dr. Reveillaud et l’équipe AFT du CH Mazurelle (La Roche sur Yon) : Papa, Maman
A"F"Tachez-moi pour mieux me détacher
ATELIER N° 5 : PAROLES DE FAMILLES D’ACCUEIL
Y. Latourte, J-J. Vauchel (AFTA, Le Havre) : Parcours de Françoise après 13 années de
psychiatrie ; ses progrès depuis son accueil au Lieu de Vie Les Grands Ifs jusqu'au rêve d'un
appartement
M. Benzidane (Roissy en Brie) : Profession : accueillante familiale.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 juin 2008) 1
D. GORANS « L’étrange place à trois temps ! »
1
Dr Daniel GORANS,
Psychiatre, Nantes
« L’étrange place à trois temps »
Je ne sais si l'histoire qui suit relève de ma folie ou de celle de
toutes les personnes de bonne volonté qui ont voulu m'en extraire.
J'espère que les sages appelés à la lire ou à l’entendre pourront
m’aider à y voir plus clair.
Pour faire court, je suis né il y a un peu moins de trois siècles sans
pour autant paraître mon âge. Qui plus est, je n'habite pas
aujourd'hui dans le pays de ma naissance mais n'ai aucun souvenir
d'avoir voyagé par la route, les mers ou les airs.
Je réponds au prénom de Robin et puis me remémorer ce qu'il
advint de moi dès l'âge de quatre ans. À l'époque, mes parent de
naissance étaient fort occupés à servir de la bière à leurs nombreux
clients dans le modeste estaminet situé non loin des docks de
« Three Cranes », près de la berge nord de la Tamise, au cœur de
Londres.
À ce que m'a conté mon père, lorsque, devenu plus grand, j'allais le
visiter à la prison de Newgate, je fus le quatrième enfant à naître à
la maison. Par chance ou par malchance, les trois aînés, un garçon et
deux filles, décédèrent peu après leur naissance. De ce fait, ma
naissance était davantage redoutée que souhaitée. Je fus donc laissé
à moi-même dès mes premiers jours d’existence dans un petit réduit
sombre, juste au-dessus de la salle principale de l’estaminet. Une
servante venait de temps en temps, lorsque ses nombreuses tâches le
lui permettaient, me donner un sein dont je me dépêchais de tirer le
maximum vu le peu de temps qu'elle me consacrait. Il paraît d'ailleurs
que je me faisais facilement oublier, ayant peu recours aux cris et
pleurs pour attirer l'attention. Je crois que j'avais déjà compris que
cela n'était pas d'un grand usage : le vacarme qui régnait dans
l’estaminet n'aurait permis à personne de s'en apercevoir. Ma mère
ne prenait point soin de moi, préférant trinquer fort tard avec les
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 juin 2008) 2
D. GORANS « L’étrange place à trois temps ! »
2
derniers clients puis compter l'argent amassé dans la journée.
Toujours d'après ce que mon père m'a conté, le seul moment où je
recevais des soins d’elle était le matin lorsqu'elle changeait mon lange
et faisait le plus vite possible ma toilette.
Mes parents se querellaient souvent, surtout lorsqu'ils étaient pris
de boisson. Il leur arrivait de se disputer à mon propos. Mon père m'a
affirmé qu'il exprimait le souhait de voir ma mère s'occuper
davantage de moi. J’étais en effet le seul héritier de leur lignée. Il
espérait aussi que cela éloignerait sa femme des hommes parfois trop
entreprenants et bien faits de leur personne avec qui elle aimait
trinquer. Un soir, il y eut une querelle de trop et dans la bousculade,
ma mère chut en arrière. Sa tête heurta violemment une table. C'est
ainsi qu'elle mourut et que mon père fut condamné à être emprisonné
à Newgate.
Au moment de prononcer le jugement, le Coroner s’émut de mon
sort. Il demanda à l'un de ses amis, le docteur Whiteless, réputé
pour les soins qu'il apportait aux enfants, de se préoccuper de mon
devenir. C'est ainsi que je fus confié, un beau jour de juin 1719, alors
que j'étais dans ma quatrième année, à la famille Burton1. J’y restai
jusqu’à l’âge de onze ans.
À mon arrivée, Mme Burton m'a raconté que je ne pipais mot et que
j’évitais son regard. Elle fut très surprise de ne jamais m'entendre
pleurer. J'étais chétif et elle dut suivre attentivement les
recommandations du docteur Whiteless sur la manière de me nourrir.
Il paraît aussi que je dormais fort peu la nuit et lorsqu'elle se levait
pour me voir, la lueur de la bougie qu'elle tenait à la main lui révélait
que j'avais le plus souvent les yeux grands ouverts, tournés vers le
plafond ou bien que je me balançais assis sans bruit. Elle était fort
désemparée et interrogeait le plus souvent possible le Docteur
Whiteless à mon propos. Non qu’elle fut inexpérimentée dans
l’élevage des enfants (elle était mère de trois garçons dont le plus
jeune avait dix ans et avait accueilli juste avant moi un garçon de huit
ans), mais rien dans mon comportement ne lui permettait de s'ajuster
1
Cf. « Lettres inédites du fils de Gulliver »
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 juin 2008) 3
D. GORANS « L’étrange place à trois temps ! »
3
à mes besoins. Le docteur Whiteless lui prodiguait ses
encouragements et son soutien. Il lui conseilla de me parler comme si
elle imaginait que je puisse comprendre. Elle devait expliquer tout ce
qui se passait autour de moi et inciter son mari et ses enfants à faire
de même. Malgré les embarras des rues et ruelles de Londres, elle
devait m'emmener promener le plus souvent possible et me
permettre de croiser des enfants de mon âge. Elle était incitée à me
proposer le plus grand nombre possible d’expériences pour stimuler
mes sens et me donner de bonnes habitudes. Il m'arrivait aussi
d'avoir de spectaculaires crises de colère au cours desquelles je me
frappais et me mordais. Mme Burton avait trouvé elle-même un
étonnant moyen de m’apaiser : elle s’asseyait non loin de moi et
psalmodiait sans se lasser comptines et ritournelles. J'eus d'ailleurs
vite fait de les retenir et d'en fredonner les mélodies lorsqu'elle
commençait à me les chanter. C'est ainsi que petit à petit, mes
violentes colères disparurent. De plus je me mis à répéter les paroles
contenues dans ces petites chansons et commençai par là même à
m'intéresser aux échanges à l'aide de mots. Au début, lorsque je
tenais mes premiers propos, je ne regardais jamais la personne à qui
ils étaient adressés. Mme Burton dit avoir eu parfois l'étrange
impression que si par hasard mon regard se posait sur son visage, il le
transperçait. Son solide bon sens, ses soins assidus relayés parfois
par ceux de son mari eurent petit à petit raison de toutes mes
difficultés. Il me souvient de quelques étonnantes rencontres : celle
de la famille Gulliver et celle d'un étrange M. Swift. Lorsque j’eus
recouvré suffisamment d'entendement, je fus autorisé à rendre
visite à mon père, toujours emprisonné. Je me rendis deux fois à
Newgate. Juste avant la dernière visite, le fils de M. Gulliver m'a
adressé une lettre dans laquelle il se posait la question de savoir s'il
valait mieux être en prison ou dans un hospice. Madame Burton m’a
indiqué que Jack Edward, dont elle s’était occupée avant moi, était un
garçon tourmenté. Je n’ai à ce jour encore pas compris pourquoi il
m’interrogeait à ce sujet.
Le dernier souvenir qui me reste de cette période est celui d'un
dîner chez M. Swift. Je venais d'avoir onze ans et il souhaitait me
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 juin 2008) 4
D. GORANS « L’étrange place à trois temps ! »
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présenter à l'un de ses visiteurs, M. Voltaire, pour vanter les effets
presque miraculeux des soins prodigués à mon égard par la famille
Burton et défendre l’idée que d’autres enfants à l’esprit troublé
pourraient bénéficier du même type de soins dans divers pays
d’Europe. La discussion allait bon train et messieurs Swift et Voltaire
citaient souvent les idées d’un certain Monsieur Locke2 qui, selon eux,
permettaient d’expliquer mes surprenants progrès : tout ce que
j’aurais acquis résulterait des expériences et habitudes découvertes
auprès de la famille Burton. Le Docteur Whiteless, parmi les
convives, était le plus enthousiaste à soutenir leur point de vue. Tout
à coup un garçon dans mes âges s’est approché de moi et m’a demandé
de le suivre. Il m’a dit s’appeler Kevin. Deux adultes, dont la petite
taille les faisait sembler difformes, nous attendaient dans une pièce
voisine, une carte de l’univers à la main3. Ils m’entraînèrent vers ce
qui semblait être une porte. Je crois avoir alors perdu connaissance
Je me réveillai seul, en pleine nuit, égaré dans une forêt dense. Des
bruits étranges, des cris sauvages me firent trembler de peur. Je me
réfugiai comme je pus dans un arbre pour attendre le lever du jour
Je vécus en me cachant dans cette forêt ce qui me sembla une
éternité. J’y aperçus nombre animaux sauvages, petits et gros, dont
je sais aujourd’hui les noms : loups, daims, cerfs, sangliers, lièvres,
hiboux J’apercevais aussi des humains mais ne comprenant rien à
leur langage, je m’en dissimulais, perché dans les hautes branches des
arbres. Je les entendais venir de loin, car ils étaient le plus souvent
précédés par le jappement de leurs chiens. Il y avait aussi des bruits
effrayants : coups de cognée pour abattre des arbres et, plus
violents encore, coups de feu pour tuer des animaux. Je me
nourrissais comme je pouvais, suivant mon instinct. Je désappris à
parler. J’abandonnais petit à petit mes vêtements au fur et à mesure
qu’ils se transformaient en guenilles.
Un jour, un chasseur isolé qui s’était approché sans bruit,
m’aperçut avant que je me rende compte de sa présence. Tandis que
2
John Locke, philosophe anglais (1632-1704), tenant de la théorie sensualiste, en rupture avec les théories
innéistes
3
cf. le film « Bandits bandits » de Terry Gilliam, 1982
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 juin 2008) 5
D. GORANS « L’étrange place à trois temps ! »
5
j’escaladais le plus vite possible le premier tronc venu, il s’accroupit
au pied de l’arbre et m’appela dans ce langage incompréhensible que
j’avais déjà entendu de la bouche des bûcherons et des chasseurs.
Perché, j’attendis qu’il parte, ce qu’il finit par faire. Il revint avec
plusieurs compagnons et des chiens. La battue permit de me localiser,
puis de m’attraper.
Je fus conduit au village le plus proche, ce qui prit plusieurs heures
tant la forêt était vaste et épaisse. Les villageois me confièrent au
curé. Il s’enferma avec moi pour que je ne me puisse sauver. Je me
terrai dans un coin de la pièce, poussant des grognements dont
j’espérais qu’ils l’effraieraient. Il m’observait tout en me parlant. Sa
voix était suave. L’on m’a raconté bien plus tard qu’il avait tenté en
vain plusieurs langues : le français, le latin, le grec puis l’arabe dont il
possédait quelques rudiments. Après plusieurs semaines au cours
desquelles je reçus de nombreuses visites, je devins un peu moins
méfiant et acceptai la nourriture qu’on me déposait dans une écuelle.
Je repris l’habitude de faire mes besoins dans un seau et finis par
accepter de me vêtir sommairement lorsqu’il y avait des visiteurs.
L’on décida alors de me conduire à la capitale pour y rencontrer un
spécialiste renommé : le docteur Itard. Je compris après que je me
trouvais en France, en 1819. J’aurais donc dû être centenaire mais
paraissais avoir une dizaine d’années. Le docteur Itard décréta que
j’étais bien atteint d’idiotisme et accepta de m’installer à l’Institut
des Jeunes Sourds dont il assurait la responsabilité médicale. Je n’y
séjournai que quelques semaines et rencontrai ce médecin tous les
jours. Il mélangeait les stimulations de tous mes sens à une espèce de
dressage pour que je développe un langage et des attitudes
compatibles avec la vie en société. La vitesse de mes progrès le fit
changer d’avis. Il décida alors de me soumettre à l’examen de deux
autres médecins, les docteurs Pinel et Esquirol. Les trois médecins
étaient très étonnés de m’entendre prononcer les mots avec un fort
accent anglais. Ils le furent bien davantage lorsque j’eus assez de
vocabulaire pour leur conter mon histoire londonienne. Ils voulurent
me forcer à dire que je l’inventais de toute pièce, mais je tenais bon
et leur insistance provoquait larmes et colères. Tout ce que j’obtins
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 juin 2008) 6
D. GORANS « L’étrange place à trois temps ! »
6
fut d’être nommé par mon prénom en lieu et place du « sauvage du
Morvan » comme ils me désignaient jusqu’alors, du fait que l’on
m’avait trouvé dans la forêt du Mont Beuvray. Le docteur Esquirol me
déclara alors atteint de « folie raisonnante » et insista sur l’intérêt
de m’envoyer respirer le bon air de la campagne. Il avait entendu
parler d’une coutume ancienne et surprenante dans la ville de Gheel,
proche d’Anvers, où depuis plusieurs siècles les insensés étaient
confiés à des familles avec l’espoir qu’elles contribueraient un jour à
la cure de leur folie. Il déclara à ses deux collègues son intention de
s’y rendre pour voir par lui-même ce qu’il en était4. En attendant, le
Docteur Itard décida de me confier à une famille de ses
connaissances résidant près de Montmorency, Monsieur et Madame
Bonnenfant, lointains parents de Madame Guérin. J’avais rencontré à
plusieurs reprises, à l’initiative du Docteur Itard, Madame Guérin et
Victor un jeune adulte au comportement plutôt bizarre. Lors de ces
rencontres, le docteur nous observait attentivement en silence. Je
n’appréciais pas Victor qui avait coutume de me saluer en me reniflant
et en touchant divers endroits de mon corps. Madame Guérin veillait
toujours à ce qu’il ne m’importune pas trop et je fus surpris de voir
l’emprise qu’elle avait sur lui. Je compris bien, quelques temps après
que le Docteur Itard pensait que nous souffrions des mêmes
troubles, idée à laquelle il renonça par la suite. Le travail qu’il avait
réalisé avec Victor et auquel la famille qui l’accueillait avait largement
contribué les avait rendus célèbres.
A Montmorency, je m’accoutumais à nouveau au bonheur de vivre.
Mon langage se développa sans me faire oublier complètement ce que
je savais d’Anglais. L’existence à la campagne me permit d’apprendre
à nouveau en douceur les règles de la vie en famille, puis en société.
Les Bonnenfant et leurs deux filles m’y aidèrent beaucoup. Mais dès
la seconde année, je fus envahi par des sensations bizarres partout
dans mon corps et surtout dans mon sexe, lequel se transformait bien
malgré moi et me conduisait à y toucher sans cesse. C’était parfois
très agréable. Dans le même temps je proposais le plus souvent
4
Ce qu’il fit en réalité en 1821
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 juin 2008) 7
D. GORANS « L’étrange place à trois temps ! »
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possible aux deux demoiselles Bonnenfant de s’occuper de mon
superbe objet ou de me laisser jouer avec elles à nous toucher et
nous caresser. Je fus très chagriné qu’elles s’en offusquent et que
leurs parents me réprimandent vigoureusement. Ils me conduisirent
chez le curé de l’église Saint Martin. Ses sermons et menaces
infernales restèrent vains. Ils demandèrent conseil au Docteur Itard.
Fort d’une expérience analogue avec Victor, il recommanda de me
faire pratiquer chaque jour beaucoup de tâches épuisantes, de me
donner des bains froids et, si cela demeurait insuffisant, de me faire
absorber une potion apaisante. Je n’eus plus un instant à moi à partir
de ce jour : je devais couper du bois, étriller les chevaux, nettoyer
l’écurie, rassembler des pierres pour construire un mur, aider le
métayer aux travaux des champs Fort heureusement, il me restait
la nuit pour m’occuper du centre de mon corps en rêvant aux
demoiselles Bonnenfant. Cela dura jusqu’à ce que Jeannette, l’une des
filles du métayer, à peine plus âgée que moi, soit prise des mêmes
tourments et me propose secrètement de partir nous cacher
ensemble dans la forêt de Montmorency pour voir si nous pouvions
nous y aider l’un l’autre. Lassé de la manière dont me traitaient
désormais les Bonnenfant et dont leurs merveilleuses demoiselles me
battaient froid, j’acceptai. Nous disparûmes trois jours plus tard.
J’avais acquis une solide expérience pour trouver des cachettes dans
une forêt et nous échappâmes ainsi à toutes les recherches et
battues entreprises. Dans le même temps nous apprîmes plusieurs
façons très agréables de soulager mutuellement nos tourments. Un
soir où nous avions mis une ardeur particulière à nous soulager, nous
nous endormîmes à même le sol et fûmes réveillés au petit matin sans
ménagement par trois hommes de la maréchaussée. Ils nous lièrent
les mains et nous raccompagnèrent à Montmorency. J’y fus serré
dans une geôle où je reçus plusieurs visites. La première fut celle de
Madame et Monsieur Bonnenfant qui me firent savoir, nonobstant la
vive affection qu’ils me portaient, leur regret de ne plus pouvoir
m’accueillir chez eux tant il leur paraissait difficile de m’inculquer les
bonnes manières et tant ils craignaient pour la vertu de leurs filles en
raison de mon irrépressible attirance pour les conduites sauvages.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 juin 2008) 8
D. GORANS « L’étrange place à trois temps ! »
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Puis vint le curé ; il me laissa entendre que je devais être possédé et
promit d’intercéder auprès de l’évêque pour que je bénéficie de
séances d’exorcisme. Le Docteur Itard lui succéda. Il me parla du
poids probable de l’hérédité me rendant insensible aux efforts de la
famille Bonnenfant pour contribuer à me sortir de la « folie
raisonnante » dont je souffrais. Il m’annonça mon proche départ pour
la Salpêtrière à Paris où le Docteur Esquirol prendrait soin de moi.
Inutile de préciser qu’aucune de ces visites ne m’enchanta. Je pensais
autant que possible à Jeannette dont j’étais sans nouvelle. Mes mains
étaient le plus souvent entravées par des liens rendant impossible le
moindre soulagement de mes tourments. Jour après jour, ma
sauvagerie m’envahit à nouveau.
Deux solides valets de ferme avec qui j’avais travaillé furent
chargés de m’escorter dans la diligence qui desservait Montmorency
pour Paris. A destination le Docteur Itard prit le relais pour me
conduire à la Salpêtrière où il me recommanda à deux gardiens. Je
fus impressionné par la taille des portes qui se refermèrent derrière
moi. Je me sentais inquiet. Soudain, deux petits êtres au visage
grimaçant jaillirent d’une porte latérale et firent des pitreries pour
attirer l’attention des gardiens. Dans le même temps, à l’opposé, une
petite voix m’appela doucement en anglais. Je reconnus Kevin et ses
complices et n’hésitais pas une seconde à me précipiter à leur suite,
puis perdis connaissance
Aussi incroyable que cela puisse paraître, je me suis réveillé sur le
parvis de la gare de Lille Flandre, il y a tout juste deux ans. J’avais
froid et faim, je me sentais sale. Mes vêtements me semblaient
étroits. Ils étaient déchirés par endroits. Je percevais que mon
corps avait changé, grandi et forci comme celui d’un adulte. Une
femme en blouse blanche était penchée au dessus de moi et me
parlait avec gentillesse. Elle me proposa, à ce que je compris, de la
suivre à l’intérieur d’une grosse boîte montée sur des roues, dont le
haut des parois était transparent. Je me sentais perdu. Sur le côté
de la boîte, une inscription. Aujourd’hui, j’ai compris qu’il s’agissait
d’un véhicule du S.A.M.U social.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 juin 2008) 9
D. GORANS « L’étrange place à trois temps ! »
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De fil en aiguille, j’ai été hospitalisé à l’E.P.S.M. Lille Métropole. Je
suis soigné par un médecin psychiatre très aimable. Le seul point de
désaccord entre nous est qu’il me considère atteint d’un délire
chronique tant mon histoire le laisse incrédule. Il a lui aussi eu besoin
de demander l’avis de plusieurs de ses éminents collègues. Ils m’ont
expliqué la nécessité de prendre des médicaments, des N.A.P.
nouvelle génération, que l’on fait rentrer dans la chair de mes fesses
par une fine aiguille tous les quinze jours. Rien à voir avec le plaisir
que je tirais de la façon dont Jeannette s’intéressait à cette partie
de mon corps ! Le récit que j’ai fait de mes séjours dans différentes
familles a donné l’idée à mon psychiatre, après six mois passés à
l’hôpital, de me proposer une prise en charge en S.A.F.T associé à un
H.J. Pour mettre cela en place il a d’abord fallu que je bénéficie de la
C.M.U et d’une A.A.H gérée par un tuteur du fait de mon incapacité
constatée par un expert. J’ai été très heureux d’apprendre que tout
un dossier avait été transmis à mon sujet à la M.D.P.H. ainsi qu’à la
C.P.A.M. Mon psychiatre, invoquant mon droit à l’information, a eu la
gentillesse de m’expliquer que la V.AP. l’obligeait à renseigner le
R.I.M.Psy à l’aide de la C.I.M 10. J’ai ainsi su que je souffrais de F22
sans qu’il soit possible de trancher entre les sous items qui vont de 0
à 9. J’en ai conclu à la nécessité de n’utiliser que la première lettre
de chaque mot pour espérer être mieux compris. Je m’y exerce sans
succès avec Georgette et Albert Faluche, ma nouvelle famille
d’accueil. Ils sont très gentils et habitent une petite maison coincée
entre deux autres dans une rue sans issue. J’y ai ma chambre et c’est
bien plus calme qu’à l’hôpital, sauf les jours où ils reçoivent leurs
enfants et petits enfants. Ces jours là je préfère aller me promener
seul au Bois de Boulogne ou faire un tour au marché de Wazemmes.
J’ai moins peur qu’au début de tous les engins à roues qui passent
très vite à côté de moi ou qui coupent ma route en faisant beaucoup
de bruit. Une fois, j’ai même voulu visiter l’Hospice Comtesse. Cela
m’a donné une idée pour répondre à la question de Jack Edward
Gulliver sur l’hospice et la prison, sauf que je ne sais pas à quelle
adresse lui écrire. J’y ai vu tableaux et objets qui ont à peu près mon
âge et qui comme moi, ne paraissaient pas si vieux que ça.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 juin 2008) 10
D. GORANS « L’étrange place à trois temps ! »
10
Georgette et Albert font tout un travail avec moi pour favoriser
mon autonomie. Ils n’emploient pas d’abréviations et me paraissent de
ce fait plus humains qu’à l’hôpital. Lorsque j’évoque mon passé, ils ne
me contrarient jamais, un conseil de mon psychiatre parait-il. A
l’hôpital de jour, la plupart des autres m’évitent, ils disent ne pas
toujours comprendre les mots que j’emploie. Elodie, ma meilleure
copine, aime bien : elle prétend que je parle comme dans les films qui
se passent il y a plusieurs siècles. Le psychiatre de l’hôpital de jour
dit que la préciosité de mon langage est un signe de mon délire. Je
trouve qu’il se moque un peu de moi. Il me fait rencontrer la
psychologue toutes les semaines. Elle pense que la richesse de mon
langage exprime la profondeur de ma subjectivité et parfois
l’archaïsme pulsionnel de mon inconscient. Je ne comprends pas ce
que ça veut dire, mais elle en parle surtout quand je lui raconte tout
ce que j’aimerais faire avec Elodie en me souvenant de Jeannette.
Avec Elodie je n’en parle pas, elle n’est pas comme la psychologue qui
me demande de dire tout ce qui me passe par la tête Alors j’attends
qu’elle devine mais c’est bien long !
Toutes les semaines, Martine, mon infirmière référente du S.A.F.T.
vient en V.A.D. discuter avec moi et la famille Faluche. Elle trouve
que je fais des progrès pour l’autonomie et va proposer à mon
psychiatre que je bénéficie bientôt d’un appartement thérapeutique.
Je ne suis pas contre, si ça me permet d’y passer du temps
thérapeutique avec Elodie Mon psychiatre, je le rencontre toutes
les deux semaines au moment de la piqûre. Il continue à hocher la
tête d’un air entendu quand je lui parle de mon âge ou que je compare
les trois familles qui m’ont accueilli à travers les âges. Il m’a même
menacé de me ré hospitaliser si je persistais dans mes propos. Alors
j’évite ces sujets avec lui, même lorsqu’il me tend un piège en me
proposant d’en discuter : je souris sans dire un mot jusqu’à ce qu’il me
pose une autre question : je préfère mille fois être en famille
d’accueil qu’en prison, geôle, hospice ou hôpital !
Au mois de mai 2008, Daniel Gorans
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 juin 2008) 11
D. GORANS « L’étrange place à trois temps ! »
11
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 1
M. Fabrice Laurain, « Le choix institutionnel de développer l’accueil familial thérapeutique ou l’accueil en lieu de vie :
éléments d’une décision stratégique et politique- du projet de vie à l’action institutionnelle et territoriale»
« Le choix institutionnel de développer l’accueil familial
thérapeutique ou l’accueil en lieu de vie : éléments d’une
décision stratégique et politique- du projet de vie à l’action
institutionnelle et territoriale »
Fabrice LAURAIN
Directeur d’hôpital
Directeur du GIP TELEMEDECINE de PICARDIE
Mesdames,mesdemoiselles , messieurs, ce qui me vaut le plaisir d’être parmi vous
aujourd’hui n’est sans doute pas ma qualité de directeur d’une structure de
coopération sanitaire public-privé qui développe des solutions collaboratives et
mutualisées de transfert d’images, de données , des dossiers médicaux et médico
sociaux partagés, mais plus un parcours professionnel qui depuis plus de vingt
années maintenant, m’a amené à traverser les services de protection de
l’enfance, les services de l’Etat, des établissements de santé, et qui au détour de
mes pérégrinations géographiques me donna l’occasion de croiser multitude de
professionnels , d’usagers, de familles, d’élus, avec quelques constantes :
je suis un forcené du droit des gens à une vie sociale aussi banale que
possible, et de la liberté individuelle, du droit inaliénable à l’accès au droit
commun ;
je m’estime un professionnel militant du respect des compétences des
professionnels de santé et socio éducatifs
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 2
M. Fabrice Laurain, « Le choix institutionnel de développer l’accueil familial thérapeutique ou l’accueil en lieu de vie :
éléments d’une décision stratégique et politique- du projet de vie à l’action institutionnelle et territoriale»
je suis pétri de la conviction que les lois et règlements sont tout sauf
inutiles, mais au contraire sont une référence qui permet , notamment vis-
à-vis des catégories d’établissements et services , les uns sanitaires, les
autres médico sociaux, et sociaux, de cadencer le parcours de soins et de
réinsertion des usagers, et qui peut et doit fonder une clarté du dialogue
entre l’usager , le professionnel et les institutions sur sa situation exacte
au regard de la maladie mentale, du handicap, de la dépendance, des droits
ouverts ou potentiels ;
bien sûr ce ne sont pas mes seules convictions ; j’ai aussi celle, bien chevillée,
que si la société peut légitimement être admirative du travail et de la
compétence, du dévouement des professionnels qui interviennent auprès des
personnes souffrant de pathologies mentales, elle a aussi le droit et le devoir
à travers son administration d’être exigeante , et même très exigeante vis-à-
vis de ces mêmes professionnels, au nom des usagers, au nom des ressources
que la collectivité consacre à la santé des plus fragiles d’entre ses citoyens ;
quand il m’a été demande d’évoquer ,initialement, les aspects budgétaires et
financiers de l’accueil familial thérapeutique, j’ai immédiatement répondu que
je ne donnerai pas de chiffres, mais vous proposerai quelques éléments de
réflexion sur les motifs institutionnels, les bons, les moins bons, les
franchement mauvais, qu’il m’a été donné de constater, quant au
développement des places d’accueil familial thérapeutique pour les malades
mentaux ; je ne citerai pas d’exemple nominatif, je ne prétendrai aucunement
entrer dans la dimension du soin et du sens que peut avoir le placement
familial thérapeutique ( ou l’accueil familial thérapeutique dans une version
plus satisfaisante ) dans un parcours de soins, encore que l’on peut constater
que dans certains établissements, le placement familial thérapeutique a été
plutôt la fin du parcours
j’évoquerai successivement :
les considérations qui ont pu permettre ou provoquer le développement de
services d’accueil familial thérapeutique par des établissements de santé
mentale,
les modifications fondamentales que devrait induire la loi de 2005, la
création des maisons départementales des personnes handicapées, de la
prestation de compensation
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 3
M. Fabrice Laurain, « Le choix institutionnel de développer l’accueil familial thérapeutique ou l’accueil en lieu de vie :
éléments d’une décision stratégique et politique- du projet de vie à l’action institutionnelle et territoriale»
les potentialités offertes par la création des agences régionales de santé
et leurs limites ;
les facteurs de choix essentiels que sont avant toute autre chose la
dynamique soignante et de réinsertion, le projet institutionnel, le projet
de vie, le projet de soins, les réseaux de partenariat et de confiance qui
seuls , patiemment tissés et entretenus, peuvent être la clef du
développement des solutions d’accueil familial thérapeutique de bonne
qualité
deux idées à retenir, si ce n’est que deux, dans mon intervention :
il ne faut pas se laisser enfermer dans une logique de « moins cher, plus
cher , que quoi ? que l’hospitalisation à temps plein, alors que l’on sait qu’un
lit vidé devient un lit rempli immédiatement, pour de bonnes ou mauvaises
raisons ? qu’une sortie vers du logement autonome, avec quel suivi ? de quel
coût parle t on ? de quel tarif parle t on ? l’accueil familial thérapeutique
est un mode d’hospitalisation, il suppose une équipe, une veille, un suivi ,
des outils ? qu’est ce qui est comparable ?ne pas se laisser enfermer dans
la logique du tarif qu’on perçoit et du tarif qu’on paye est une nécessité
pour le soin et la réinsertion ; car de toutes les façons, quand il faut
opérer, on opère, quand il fait prescrire, on prescrit, quand on réinsère, on
doit aussi le faire sur une considération de besoin et de projet ; l’élément
financier est une contrainte, mais c’est celle du gestionnaire ; un service a
toujours un coût, et il génère toujours des recettes pour l’établissement
de santé ; de même la réinsertion d’un malade mental va générer des coûts
sociaux ( suivi social, droit au logement, soins ambulatoires, prestations de
compensation ) ; faut il les rajouter, et à quel sous total absurde ?
l’accueil familial thérapeutique doit être une passerelle vers le droit
commun des personnes dépendantes, et rien ne saurait plus justifier, pas
plus qu’avant d’ailleurs, alors que depuis 1989 les dispositifs d’accueil
familial des personnes âgées et handicapées ont été fixés par la loi, il soit
refusé à un malade mental de constater ses incapacités et sa dépendance
et son droit à la bienveillance de l’aide sociale départementale, à l’AAH,
aux orientations et accompagnements vers des établissements et services
d’accompagnement adaptés et tarifés et financés selon le droit commun ;
rien, sinon l’incapacité des uns et des autres à sortir des frontières
institutionnelles entre qui paye quoi, sans réelle considération du besoin
des gens, l’absence de dialogue s’est souvent installée entre ceux qui
s’estiment incompris et avoir affaire à des services de conseils généraux
et des associations spécialisées dans le handicap mental ou moteur qui
font preuve de mauvaise foi pour préserver les budgets sociaux à leur
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 4
M. Fabrice Laurain, « Le choix institutionnel de développer l’accueil familial thérapeutique ou l’accueil en lieu de vie :
éléments d’une décision stratégique et politique- du projet de vie à l’action institutionnelle et territoriale»
avantage exclusif, et ceux qui se plaignent d’un hermétisme des
psychiatres et de leurs équipes et de la soit disant volonté de l’ARH de
faire des économies et dégager du sanitaire vers le social à tout prix
et notre patient dans tout cela ?
1- LES CHOIX HISTORIQUES DES INSTITUTIONS
Le développement des accueils familiaux thérapeutiques a pu avoir plusieurs
facteurs déclenchants dans les établissements de santé mentale
UNE AUTRE EPOQUE ?:
d’abord dans les meilleurs des cas un projet d’un médecin, d’une institution
, délibéré, de privilégier une vie pour des patients chroniques, qui les
ramène à une culture connue, familière, celle du milieu agricole, rural, des
travaux aux champs et de la vie au village ; certes la qualité des lieux
d’accueil est un autre débat, mais à tout une bonne intention et une
stratégie perceptible des équipes ; bien entendu la qualité de la
surveillance des lieux d’accueil et du suivi des patients est elle aussi
concrètement très aléatoire au cours de la vie des institutions ; parfois le
meilleur, souvent le médiocre, parfois le pire ;
il y a eu aussi, comme pour l’ « accueil des petits orphelins » et des
« petits abandonnés », des motivations plus particulières et plus utilitaires
des ruraux, recherche d’argent, de main d’œuvre ; ces petites gens bien
souvent, ou ces paysans aisés, trouvant auprès des déficients intellectuels
et mlades une main d’œuvre certes parfois peu productive, mais malgré
tout docile, habituée à des rythmes de vie, des gestes, des attitudes
familières de vie, dans un milieu somme toute rude pour tous, où
l’affection et les sentiments avaient peu de place ; dans ce cas le sort du
patient a souvent peu différé de celui des ouvriers journaliers , des
petites mains. Le débat peut par contre s’ouvrir au sujet de ces
placements beaucoup plus récents, en familles d’accueil ou en lieux de vie
souvent non autorisés, non contrôlés , où les constats faits lors
d’inspections par les autorités renvoient à ce que l’on aimerait être une
autre époque ; tel foyer ,clandestin pour tous sauf pour le CHS et le maire
du village, qui prête des bras aux exploitants agricoles, sans contrôle, sans
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 5
M. Fabrice Laurain, « Le choix institutionnel de développer l’accueil familial thérapeutique ou l’accueil en lieu de vie :
éléments d’une décision stratégique et politique- du projet de vie à l’action institutionnelle et territoriale»
salaire, avec un père tout puissant , qui arrange bien , parce qu’il ne
dérange pas et qu’il ne demande pas cher on n’est pas en 1900, mais en
1998 on n’est pas en sibérie orientale, mais en France
UNE VOLONTE GUIDEE PAR UN INTERET ECONOMIQUE /
à partir de la volonté des soignants, l’institution a souvent et au moins
parfois été sensible au facteur économique ; dans un dispositif de prix de
journée, puis plus récemment de dotation globale, puis de dotation annuelle
de financement, demain de T2A, l’analyse comparative entre le coût de
l’occupation d’un lit et celui d’un accueil familial, entre la construction d’un
bâtiment et sa rénovation , ou bien l’externalisation de certains patients
est vite à l’avantage de cette dernière ;
point trop de cynisme, les directeurs d’hôpitaux, les administrateurs de
fondations, ont un coeur, mais quand il peut être conforté par les réalités
financières, c’est toujours beaucoup plus facile pour concrétiser un projet
HISTORIQUEMENT et encore AUJOURD’HUI , il n’est pas possible d’avoir un
raisonnement monolithique sur les aspects budgétaires de l’accueil familial
thérapeutique ; tout dépend des réalités du lieu et du moment, de la synergie des
acteurs, des positions et des régulations en jeu au cœur de l’institution
psychiatrique et de ses acteurs partenaires .
2- LES ELEMENTS BUDGETAIRES LES ELEMENTS CONSTITUTIFS
DES COUTS
l’accueil familial thérapeutique peut être de plusieurs types :
o les familles d’accueil thérapeutiques stricto sensu : au sens de la
réglementation en vigueur, des familles sélectionnées directement
par l’établissement pour accueillir des adultes, au plus au nombre de
3 simultanément ; des familles d’accueil pour mineurs , disposant
d’un agrément du Département ( président du conseil général) et
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 6
M. Fabrice Laurain, « Le choix institutionnel de développer l’accueil familial thérapeutique ou l’accueil en lieu de vie :
éléments d’une décision stratégique et politique- du projet de vie à l’action institutionnelle et territoriale»
embauchées par l’établissement ; en tout état de cause l’existence
d’un service AFTA ou d’AFTE est constatée par autorisation ARH ;
o l’accueil séquentiel ou de longue durée ;
o l’accueil dans des lieux de vie dépassant trois personnes
simultanément
o l’accueil dans des familles disposant de plusieurs types
d’habilitations
les éléments constitutifs des coûts et des recettes
o quant aux coûts, ils dépendent bien entendu de la régularité du
dispositif mis en place par l’institution de santé mentale, et du
contexte départemental
o pour ce qui concerne les adultes et les enfants, des normes
réglementaires encadrent les rémunérations minimales dues pour les
enfants, seuls des statuts locaux pour chaque CHS encadrent la
rémunération des accueils d’adultes ; je ne ferai ni l’injure ni l’ennui
d’en rappeler les éléments constitutifs, par contre j’insisterai sur le
lien entre :
la rémunération et les compensations versées par les CHS et
les statuts départementaux concernant les accueils d’enfants
confiés à l’ASE, les services de placement familial spécialisé
pour les enfants handicapés, les familles d’accueil pour
adultes handicapés et personnes âgées ; il est évident que le
CHS doit se placer au moins au m^me niveau que les
Départements pour être attractifs, ce qui signifie que sauf
exception, la fixation des tarifs est largement impactée par
des facteurs exogènes , car les départements et les
établissements pour personnes handicapées se soucient fort
peu de concertation avec les institutions de santé mentale ;
le fait qu’IL ME SEMBLERAIT DONC FORT PERTINENT
QUE SOUS L’ EGIDE DES ARH, et du fait d’une action
volontariste des CHS eux-mêmes, des CONCERTATIONS
SOIENT EFFECTIVES ENTRE LES DIFFERENTS
FINANCEURS ET EMPLOYEURS POUR HARMONISER ET
EN TOUT CAS CONCERTER LES MODES DE
REMUNERATION, pour éviter concurrence, débauchage,
voire incohérences, effets induits sans concertation ;
dans ce but, des assises départementales des accueillants
familiaux enfants et adultes, la constitution de groupement
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 7
M. Fabrice Laurain, « Le choix institutionnel de développer l’accueil familial thérapeutique ou l’accueil en lieu de vie :
éléments d’une décision stratégique et politique- du projet de vie à l’action institutionnelle et territoriale»
d’employeurs avec des instances de concertation sur les
profils des accueillants, pour gérer les multi accueils, les
cohabitations de population, créer des bases statutaires
harmonisées .seraient fort opportunes
l’organisation du suivi et des services de l’institution de santé mentale : à
tout le moins , on est en droit d’attendre qu’une véritable équipe soit
constituée, organisée, pour un suivi efficace , présent, avec une veille, une
télé organisation par visio avec les lieux d’accueil ;
o nous reviendrons sur l’organisation du suivi , mais en tout état de
cause, une transversalité et une intersectorialité, qui permettent
de mutualiser les moyens, et d’organiser une veille optimales, sont à
privilégier
les recettes : pour les adultes et enfants , la psychiatrie continue à
fonctionner en dotation annuelle de financement, mais demain, l’enjeu
d’une VALORISATION DE l’ACTIVITE DE PSYCHIATRIE, prélude à la
T2A, est primordial ; les services chargés de l’accueil familial doivent donc
veiller à ce que soit mis à leur disposition l’outil de suivi et de saisie de
l’activité médicale et paramédicale, avec une maîtrise de l’ensemble des
critères et une saisie des actes sous la responsabilité réelle des équipes ;
si dans l’établissement il n’y a pas de service intersectoriel assurant
l’AFTA et/ou l’AFTE, il y a de toute évidence intérêt à avoir ees pratiques
homogènes, donc à se doter d’une assurance qualité sur la saisie de la
VAP ; maximiser l’exhaustivité de l’ activité est un enjeu évident d’ores et
déjà vis-à-vis des autorités sanitaires et des directions d’établissements ;
rendre compte de l’activité c’est se donner les gages d’obtenir une juste
évaluation des coûts, donc de négocier et obtenir que soit mis en place un
centre de responsabilité, une UF, un suivi détaillé des coûts ;
est il raisonnable de parler de comparaison des coûts et des recettes
entre l’hospitalisation temps plein, l’accueil familial thérapeutique, l’accueil
familial social ? c’est une logique perverse en ce qui concerne les éléments
qui doivent guider les arbitrages institutionnels ; rappelons seulement
qu’au titre de la réglementation et des principes de la sectorisation ,
chaque établissement devrait offrir une palette de prise en charge
complète, donc permettant une réelle continuité des parcours individuels.
Dès lors , ce qui apparaît comme les seules lignes de force des choix
institutionnels sont les questions suivantes :
o Existe-t-il oui ou non des prestations d’AFT ?
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 8
M. Fabrice Laurain, « Le choix institutionnel de développer l’accueil familial thérapeutique ou l’accueil en lieu de vie :
éléments d’une décision stratégique et politique- du projet de vie à l’action institutionnelle et territoriale»
o Comment sont elles organisées et comment faut il les organiser ?
o Comment l’établissement les finance ?
o En les créant , l’établissement décide-t-il de corriger des
inadéquations de prise en charge, soit des maintiens en
hospitalisation indûs ; les places libérées en hopitalisation temps
plein seront-elles fermées ou simplement réoccupées même si
fluidifiées ? en synthèse, l’établissement auto finance t il en
redéployant ? chaque situation institutionnelle sera différente ;
o Quelle est la coordination et la complémentarité avec les dispositifs
sociaux et médico sociaux ? on sait que souvent les uns se sont
construits par les lacunes et par défaut des autres ; or la loi de
2005 sur la compensation des incapacités, en rappelant à juste titre
que les malades mentaux peuvent être des handicapés ou des
« vieux » comme les autres, fournit l’occasion et la légitimité , voire
l’impérieuse nécessité morale et éthique aux professionnels de
santé mentale de questionner leurs partenaires, et les autorités
sanitaires et territoriales pour refonder les filières de prise en
charge autour de l’évaluation individuelle des situations et de la
reconnaissance des droits communs à toute personne handicapée ou
âgée, sans préjudice de l’ardente obligation de qualité faite aux
professionnels de santé mentale dans leur suivi, leur transparence,
leur traçabilité d’intervention
3- les ELEMENTS CONSTITUTIFS D’UNE PALETTE D’OFFRE
D’ACCUEIL ET DE SUIVI
l’hospitalisation temps plein est un temps du parcours, comme l’AFT en est
un autre
o l’accueil familial thérapeutique des adultes doit être séquentiel,
limité dans le temps, il ne saurait se concevoir comme le
bannissement à la campagne de patients qu’on ne veut plus avoir en
pavillon , et qu’on ne peut faire reconnaître comme dépendants
handicapés ou âgés ;
o l’accueil familial thérapeutique des enfants est historiquement un
substitut à une hospitalisation jugée déshumanisante et
destructrice ; mais cela n’en reste pas moins un temps
d’hospitalisation
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 9
M. Fabrice Laurain, « Le choix institutionnel de développer l’accueil familial thérapeutique ou l’accueil en lieu de vie :
éléments d’une décision stratégique et politique- du projet de vie à l’action institutionnelle et territoriale»
o dans ces deux modalités AFTA et AFTE, l’usager est un patient
hospitalisé, à temps plein sous la responsabilité de l’établissement,
le suivi doit être sanitaire et global et implique l’organisation d’une
équipe soignante , sous l’autorité d’un médecin, avec un dispositif
d’astreinte et de veille à distance, très protocolisé ; le suivi sur
« site » d’accueil par la seule assistante sociale de l’hôpital est un
grave manquement à ces obligations ; le lien avec le service des
urgences de l’établissement, avec des protocoles de retour,
d’évaluation des situations en cas d’urgence, le cas échéant avec une
possibilité de visio et surtout un processus de déclenchement d’un
déplacement infirmier in situ, est une obligation ;
o il est donc évident que l’AFTA- exil, à des distances excessives,
hors région , avec des modalités de suivi discutables, voire
inexistantes, doit être exclu ; l’image des AFTA est souvent liée à
ces cas discutables ;
o la modalité d’AFTA peut être soit dans une famille d’accueil
recevant au maximum trois adultes , sans doublon avec d’autres
populations accueillies, soit dans un établissement social, ou un lieu
de vie dûment agréé , avec lequel le CHS a passé une convention,
précisant les obligations de chacun, les prestations,les modalités
tarifaires, les relations de partenariat ; mais attention , les lieux de
vie ne peuvent plus être ces lieux sans statut précis, au pire des
foyers de vie non déclarés aux autorités depuis 1971 et la
première loi sur l’accueil collectif, instituant un régime déclaratif
non abrogé d’ailleurs, les lieux d’accueil collectif doivent être
déclarés et les établissements de santé mentale ne peuvent
prétendre ignorer la loi force est de constater que certains ont
vécu dangereusement
d’ailleurs le régime déclaratif reste un excellent moyen conjointement pour un
établissement de santé mentale, et pour un lieu de vie professionnalisé grâce aux
recettes que lui procure l’accueil thérapeutique , de forcer la porte de services
de l’Etat ou de départements ; ceux-ci sont certes prompts à déplorer les
difficultés d’accueil de malades mentaux, mais peu enclins à impliquer leur
autorité pourtant réglementaire dans un dossier d’autorisation ; le régime
déclaratif est connu de certains d’entre vous ; l’autorisation n’est pas exclusive
d’un contrat ou convention d’exclusivité entre un lieu d’accueil et un CHS.
la modalité d’AFTE peut être soit un service d’AFTE du CHS recrutant des
familles d’accueil agréées par le président du conseil général ( on pourrait
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 10
M. Fabrice Laurain, « Le choix institutionnel de développer l’accueil familial thérapeutique ou l’accueil en lieu de vie :
éléments d’une décision stratégique et politique- du projet de vie à l’action institutionnelle et territoriale»
d’ailleurs penser qu’il serait souhaitable d’évoluer vers cette obligation
pour les FTA aussi ), soit une convention avec un gestionnaire disposant
d’une autorisation de service de placement familial spécialisé ( par ex
association gérant des services pour enfrants handicapés, notamment avec
des troubles du comportement), soit encore par convention avec un
établissement social qui pourrait mettre en place un groupe spécifique de
vie , médicalisé par convention avec le CHS.
Dans tous les cas il faut viser à ce que les AFTA et AFTE cessent de se
substituer aux lacunes et résistances des uns ou des autres, aux
incompréhensions historiques entre le monde du social qui rejetterait les
malades mentaux et les troubles du comportement, la psychiatrie qui
suivrait peu ou pas ses patients et ferait sortir des fous des asiles, ou
bien prendrait en otage des familles d’accueil démunies
Le placement en lieu de vie familial au long cours doit être nécessairement
ASE, ou nécessairement en famille d’accueil pour adulte handicapé ou
personnes âgée ; la maladie mentale traitée induit que dans l’évaluation
d’un usager on préconise d’un point de vue médical qu’à un certain moment ,
la personne ne relève plus d’une responsabilité 24/24, mais d’un
accompagnement en ambulatoire, de consultations, d’activités de jour, ;
c’est bien la décision médicale qui doit primer sur toute autre ; à partir de
ce constat, on recherche à élaborer un projer de vie, une suite de
parcours, qui induit une évaluation des incapacités et dépendances, et de la
situation familiale pour un enfant, en fait que l’on formalise et valide les
différents éléments de l’adaptation du projet de suivi et de vie ; et en
principe pas l’inverse : « chouette, on a trouvé une place en famille
d’accueil ou en lieu de vie, ou en établissement donc on fait vite un
dossier » ; c’est comme cela que l’on a bloqué les partenariats et les
filières ; certes la psychiatrie n’est pas seule responsable, mais elle l’est
autant que le sont des départements, des commissions diverses et variées
( CDES, COTOREP, admission à l’aide sociale ) par leur aveuglement ;
entre le « on est incompris et rejetés » et « ils font n’importe quoi », on a
de temps à autre persisté dans des dialogues de sourds
4- l’organisation du suivi
POUR ÊTRE EXIGEANT dans l’accès aux droits et à un réseau de partenaires et
de financements, l’établissement doit l’être vis-à-vis de lui même dans son
organisation :
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M. Fabrice Laurain, « Le choix institutionnel de développer l’accueil familial thérapeutique ou l’accueil en lieu de vie :
éléments d’une décision stratégique et politique- du projet de vie à l’action institutionnelle et territoriale»
un dossier médical et social unique et numérisé, accessible aux
professionnels
une équipe intersectorielle pluridisciplinaire, repérable et repérée par les
partenaires, responsable, et utilisant les prestations de soins des
différents secteurs de psychiatrie ( hospitalisation , consultations, ) ;
organisée, mobile, réactive, intervenant aussi bien en famille d’accueil
qu’en lieu de vie ou établissement conventionné
des moyens identifiés et évalués, une valorisation de l’activité et un centre
de responsabilité avec des objectifs et des critères d’évaluation : cela
peut signifier dans les établissements où l’on a un seul pôle de psychiatrie,
une responsabilité de ce pôle sur cette unité , ou la création d’un pôle
AFTA, + un pôle AFTE dans les CHS ; c’est certes une position qui peut
varier d’un établissement à l’autre , mais je la crois plus opérationnelle
qu’un émiettement entre les secteurs ;
une dispersion géographique des lieux d’accueil familial limitée à ce que
l’équipe peut assumer en termes de couverture de qualité, avec un vrai
suivi ; en clair se limiter aux territoires couverts
enfin, l’évaluation des dépendances, l’évaluation de la réponse aux critères
sociaux et médico sociaux d’accueil dans les dispositifs de droit commun ,
que ce soit l’ASE, les droits de la compensation, de la prise en charge de la
dépendance et partant l’accès aux orientations de droit commun ; cette
évaluation doit cesser d’être comme trop souvent la seule responsabilité
des assistantes sociales avec un avis médical, mais être portée de façon
PLURIDISCIPLINAIRE ( d’ailleurs c’est ce que demande la CNSA) par la
communauté des soignants, avec des protocoles formalisés internes et de
relations externes
5- DES LORS UNE VRAIE EXIGENCE
les équipes de santé mentale doivent revendiquer et assurer une vraie
présence, portée par les psychiatres mais aussi par les psychologues et les
soignants , dans les instances d’orientation et d’accès aux droits
les institutions de santé mentale, portées par l’ARH et une dynamique
territoriale , doivent pouvoir participer aux arbitrages territoriaux des
schémas médico sociaux et sociaux, être acteurs des dispositifs d’accueil
familial social
on peut penser que les établissements de santé mentale, très demandés
dans les soutiens aux acteurs sociaux et médico sociaux, doivent dépasser
les approches de gré à gré de tel professionnel à tel autre ou strictement
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M. Fabrice Laurain, « Le choix institutionnel de développer l’accueil familial thérapeutique ou l’accueil en lieu de vie :
éléments d’une décision stratégique et politique- du projet de vie à l’action institutionnelle et territoriale»
reposant sur tel ou tel psychiatre, au profit d’une discussion du gagnant-
gagnant avec les associations du secteur « handicap » , avec les « conseils
généraux » et les EHPAD,
l’accueil des handicapés psychiques, des handicapés mentaux, des troubles
psychologiques, devrait être porté comme cela a pu être le cas par
endroits, dans des oncertations territoriales associant l’Etat, les
départements, les associations, les établissements, voire au mieux
déboucher sur des groupements de coopération sociale ou médico sociale
les établissements de santé mentale pourraient systématiquement
solliciter seuls ou en convention avec des associations existantes d’
habilitations de suivi des placements familiaux sociaux
6- DES LORS UN RESULTAT RECHERCHE
ce qu’on recherche, ce n’est pas une économie budgétaire, ce n’est pas le
maintien d’un statut de malade mental hospitalisé qui permet une prise en
charge à 100 %, ce n’est pas la libération de lits , ou les redéploiements ;
c’est à travers la formalisation de processus fluides, la continuité du
parcours de réinsertion d’un usager, que d’abord on essaye de ne pas
étiqueter socialement et statutairement plus malade qu’il ne l’est, qu’ensuite
on fait accéder au droit commun des usagers souffrant d’incapacités liées à
l’âge, à des manifestations induites par un type de pathologie, par des
troubles induits, par une situation sociale individuelle ;
l’enjeu des relations avec les MDPH est essentiel ; l’accompagnement des
ARH et des services de l’Etat est nécessaire pour que l’accueil de longue
durée en milieu familial soit de plein droit l’accueil social avec un contrat
d’hébergement, un projet de soins ;
les potentialités offertes par les innovations de la loi de 2005 sont réelles ;
en effet , le président du conseil général devient l’interlocuteur central, à
travers le directeur de la MDPH , et les représentants de l’assemblée
départementale dans les instances des établissements ; dès lors , comme il
détient l’ensemble des compétences « handicap » et personnes âgées, en
termes d’accès individuel aux droits de la compensation et de la dépendance,
il est plus aisé de gérer avec cette collectivité l’ensemble des facteurs de
décision ;
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 13
M. Fabrice Laurain, « Le choix institutionnel de développer l’accueil familial thérapeutique ou l’accueil en lieu de vie :
éléments d’une décision stratégique et politique- du projet de vie à l’action institutionnelle et territoriale»
enfin , l’évolution des ARH vers les ARS et la concentration des décisions en
matière sanitaire et médico sociale ne va que renforcer ce lien étroit et
stratégique ;
l’enjeu est que, quelqu’en soit la résultante individuelle en termes de
ressources disponibles , l’usager soit bien à chaque moment de son parcours
en adéquation état de santé- iTunes.lnkdépendance- incapacités, statut social
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 1
Gianfranco Aluffi, L’évolution récente de l’AFT en Italie
Gianfranco Aluffi1
Servizio I.E.S.A.
Dipartimento Interaziendale di Salute Mentale
A.S.L. TO 3 - A. S. O. San Luigi Gonzaga
Dir. Prof. Pier Maria Furlan
Regione Piemonte - Universita’ Degli Studi di Torino
Groupe de Recherche Européen en Placement Familial
« L’évolution récente de l’AFT en Italie »
Le corps de ce travail est subdivisé en deux parties.
Dans la première partie j’exposerai les données provenant d’une enquête nationale réalisée par le
Département de Santé Mentale de Collegno, achevée en décembre 2007, relative à la diffusion
de l'AFT en Italie. Dans un second temps, je présenterai le service IESA de Collegno qui a fêté
ses 10 ans en décembre 2007. Enfin, je vous montrerai les résultats de deux recherches en
cours de publication, relatives aux effets positifs du milieu thérapeutique dans l'AFT.
Histoire et diffusion de l’AFT en Italie
Un des premiers témoignages sur l'AFT en Italie est reconductible au Dr. Serafino Biffi, en
1854. Dans sa publication à la suite d’une visite à Geel, il définit avec enthousiasme le "patronage
hétérofamilial" comme approprié pour les « aliénés » qui ne peuvent pas jouir des habitudes
monotones, caractérisant ainsi les journées des internés dans les asiles. Par la suite, d’autres
psychiatres italiens, en suivant ses traces, ont permis l’avènement des véritables services AFT.
En 1891, les Professeurs Tamburini et Lombroso furent chargés de proposer un instrument
législatif national qui prévoyait une place pour l'AFT. En 1904 et 1909 apparurent 2 lois sur la
réglementation de la psychiatrie faisant amplement référence au "patronage hétérofamilial". En
1902, 7 hôpitaux psychiatriques adoptèrent le "patronage hétérofamilial" comme instrument de
sortie pour les patients retenus tranquilles et aptes. Ainsi, les personnes accueillies en famille en
1902 furent 268.
En 1906 à Milan, dans le cadre du Congrès international de l'assistance aux « aliénés », une place
importante fut octroyée aux interventions et aux débats sur le "patronage hétérofamilial."
Alors, en Italie, étaient aussi très répandus les Patronages Homofamiliaux, c'est-à-dire les
parents biologiques du patient venaient payés pour tenir ce dernier à domicile. Cependant, cette
modalité fut refusée par la communauté scientifique et c’est graduellement éteinte du fait que le
paiement représentait une raison de non guérison pour les patients, parfois unique source
financière pour la famille.
1
Je remercie Melle Estelle Clavier pour l’aide à la traduction.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 2
Gianfranco Aluffi, L’évolution récente de l’AFT en Italie
L’expérience de l’AFT se développa encore durant quelques années puis disparu avec l’arrivée du
nazisme.
L'image suivante reporte un des derniers procès-verbal de démission de l'OP de Reggio Emilia
pour l'AFT.
Ainsi, pour retrouver des traces des programmes d'AFT en Italie il faut faire le saut jusqu’au
début des années 90.
En 1997, seuls deux services d'AFT étaient présents sur le territoire national: ceux de Lucca en
Toscane et ce de Collegno en Piémont.
En 2000, les départements qui adoptèrent le modèle AFT furent au nombre de 11 pour un totale
de 62 patients placés en familles de volontaires. À la fin de l’année 2007, selon les données
tirées par une enquête nationale que j’ai personnellement coordonnée, les départements pour
lesquels on enregistre une activité AFT sont alors 34 et gèrent 313 projets.
Un autre élément considérable, qui est émergé à travers l'enquête 2007, est relatif à l'intention
exprimée par 106 directeurs de Départements de Santé Mentale de vouloir prochainement ouvrir
un service d'AFT.
Comme on peut en déduire de l'image, l'AFT est plus répandue dans les régions du nord, surtout
en Piémont et en Toscane.
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3 services
5 services
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8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 3
Gianfranco Aluffi, L’évolution récente de l’AFT en Italie
Les Départements de Santé Mentale qui ont répondu à l'enquête furent au nombre de 194, soit
97% du totale, dont seulement 34 ont en projet l'AFT, c'est-à-dire 17%.
L'AFT est connu de 146 directeurs de département, représentant ainsi 75% de ceux qui ont
répondu et 158, soit 81% des participants, ont exprimé une opinion positive sur l'AFT.
35 ne se sont pas exprimés et 1 personne a exprimé une opinion négative.
Les données récoltées sont encourageantes pour le processus de diffusion de l'AFT en Italie
dans les prochains années.
Le Service IESA de Collegno: 10 ans d'AFT
Lorsque je décris l'expérience IESA de Collegno je ne peux pas éviter de la reconduire à une
séquence d'étapes historiques, progressives et déterminantes. Une sorte de succession de
phases, d'expressions, de générations de l'AFT. En effet, les familles ont aussi leurs arbres
généalogiques et la reconnaissance des "pères" et des "mères" peut être isolée comme indicateur
de « bonne » identification avec le noyau familial et comme garantie de relations régulières,
attachements, développements et séparations, avec tout ce que cela représente pour une bonne
croissance des fils, de leurs expériences et des générations à suivre.
Ceci dit, sans nier à S. Dymphna la "maternité immaculée" de toutes les expressions
reconductibles à l'AFT, la première expression de la référence aux familles volontaires pour
l'accueil d’handicapés psychiques, dans la zone territoriale aujourd'hui contrôlée par le
Département de Santé Mentale de Collegno, doit être reconduite à 1898. Cette année là, la
Députation provinciale de Turin émit une note adressée à tous les asiles dans laquelle il suggérait
le placement de malades inoffensifs chez des particuliers en échange d’une rétribution. Tel
document avait la fonction de faire front à la surpopulation des asiles durant cette époque et
l’expression AFT, alors nommé « placement de maniaques inoffensifs chez des particuliers »,
assumait seulement un rôle de type économico-administratif vu que son coût, équivalent à
aujourd'hui, était nettement inférieur à celui de l’internement en asile. En syntonie avec cette
tendance à évacuer les asiles "saturés", on trouve les articles relatifs au Patronage
hétérofamilial dans les lois nationales, déjà citées, n°36 / 1904 art. 1 et n° 615 / 1909 art. 2, 13,
14, 15, 16, aujourd'hui dépourvues de valeurs juridiques et se trouvant à des années lumière des
références législatives actuelles et encore avant culturelles.
Après cette brève saison de l’AFT italien située à cheval entre le XIX et le XX siècle, qui par
ailleurs n'a pas vu le territoire piémontais répondre avec enthousiasme particulier, il faut
attendre jusqu’en 1990 pour que l'initiative courageuse d'un groupe d’opérateurs local permette
l’apparition d’une nouvelle expérience AFT sur le territoire de l'actuel ASL TO 3 Piémontais. Ce
projet était inspiré du modèle du service d'Accueil Familial Thérapeutique de Nantes et de la
Loire Atlantique. Malgré la motivation forte des promoteurs, l'expérience durera seulement
quelques années en rendant cependant possibles à différents ex-malades de l'ancien hôpital
psychiatrique de Collegno d’agréables séjours dans des familles en particulier résidentes dans les
vallées environnantes. En 1997, année de mon arrivée à l'ASL de Collegno, les responsables de
cette noble initiative ne travaillaient plus ici mais, au témoignage de leur expérience, il y avait un
projet qui vint pris en charge du service naissant IESA et il dura encore quelques années, jusqu’à
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 4
Gianfranco Aluffi, L’évolution récente de l’AFT en Italie
la perte de l’ancienne hôte, chouchoutée et même assistée par un couple de septuagénaires
affectueux et guillerets.
Au-delà des expériences déjà citées et des précieuses et cordiales contributions des docteurs
Jean Claude Cébula de Nantes et Marc Godemont de Geel, l’ADN du service actuel IESA de
l'ASL TO 3 de Collegno se compose en grande partie de caractéristiques « calquées » sur le
service de Psychiatrische Familienpflege de Ravensburg. C’est, en effet, près du service AFT de
Ravensburg que, pendant les deux années 1995-96 j’ai observé et récolté des données dans les
processus opérationnels quotidiens.
De retour en Italie, les premières tentatives de proposer un service de ce type rencontrèrent
méfiance, peurs et scepticisme de la part de certains responsables des départements de santé
mentale piémontais à qui je m'adressai. Puis, grâce à la rencontre avec le docteur Ezio Cristina et
avec le professeur Pier Maria Furlan, respectivement chef de clinique et directeur du
département universitaire de santé mental dell' ASL de Collegno, je trouvai une place qui me
permit de commencer à travailler dans la direction que je m'étais proposée.
Dans les premiers mois de travail j'élaborai les instruments normatifs, lignes guides et contrat,
et opérationnels (instruments pour la sélection protocoles de procédure etc.) du projet, en
acheminant parallèlement une action de renseignement et sensibilisation de l'entier personnel.
Avec l’arrivée successive du premier opérateur (une infirmière) et de la délibération du Service
IESA de la part de la direction général ASL, les activités de sélection des familles et de
placement soutenu se poursuivaient. Les résultats obtenus dans les deux premières années de
travail et le grand enthousiasme pour l’apport innovant du projet, nous ont amené à organiser
durant le mois de mai 2000 le premier congrès national sur l'IESA à l'Université des Études de
Turin à laquelle furent présentées quelques expériences naissantes sur le territoire national et
prirent partie des experts internationaux du secteur spécifique. L'initiative eut du succès et il
conflua dans la presse des actes du congrès. Parallèlement à l’attention portée à la croissance du
service nous avons, durant ces années, donné beaucoup d'importance à la diffusion de la culture
de l'IESA sur le territoire national, en réalisant plus que 45 rapports présentés aux congrès de
psychiatrie nationaux et internationaux, en publiant 35 articles sur livres et magazines italiens
et étrangers et 4 volumes spécifiques sur le sujet. A la suite d’un tel engagement scientifique et
de vulgarisation, d'une activité intense de renseignement et de supervision des différentes
équipes qui nous ont contactés afin de mettre en place des services analogues, nous pouvons
regarder avec un certain orgueil la diffusion, déjà mentionnée, du phénomène sur le territoire
national. En 2001, en collaboration avec les collègues de l'USL 2 de Lucca nous avons organisé le
2° congrès national sur l'IESA, en prenant soin par la suite de la publication des actes relatifs.
En 2004, nous avons fondé la section italienne du GREPFA. En 2006, avec les collègues du Service
IESA de Trévise nous avons organisé le 3° congrès national. En 2007, parallèlement au dixième
anniversaire du service, nous avons reçu de la part de la Région du Piémont la reconnaissance de
l'expérience pilote dans le cadre de la santé piémontaise. Telle reconnaissance s'est concrétisée
à travers une cérémonie publique durant laquelle des attestations ont été remises à toutes les
familles d’accueil qualifiées de la part du président de la région et de l'adjoint à la santé. En
outre, au Service IESA de Collegno a été dédié le calendrier officiel de la région du Piémont ainsi
que le bénéfice des ventes.
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 5
Gianfranco Aluffi, L’évolution récente de l’AFT en Italie
Le Service IESA se situe aujourd’hui à l'intérieur du Département Interentreprises à la
Direction Universitaire de Santé Mentale dirigé par le professeur Pier Maria Furlan. Le
territoire de référence, dans la première périphérie turinoise, est habité par 179.638 personnes.
Les patients suivis sont au nombre de 2.214 et sont rattachés aux 2 Centres de Santé Mentale.
Les zones qui composent le Département sont 3: territoriale, hospitalière, universitaire.
Le service IESA appartient à la zone des services territoriaux et représente une des diverses
solutions résidentielles à disposition des « clients ».
Chiffres
À 10 ans de la création de l'expérience IESA de Collegno nous pouvons résumer le travail
effectué avec les chiffres suivants:
2700 familles environ contactées,
77 familles ou personnes seules qualifiées,
55 projets gérés pour plus de 25.000 jours de vie en commun,
1400 visites domiciliaires environ effectuées,
5 projets d'insertion +1 engagement ouvrable à temps indéterminé,
25 projets en cours dont 17 à temps plein et 8 à temps partiel,
24 heures sur 24, 7 jours sur 7 de disponibilité départementale,
L'AFT permet une importante réduction des jours totaux d’internement en service hospitalier
psychiatrique respectivement aux autres solutions de placement. Cet effet est très significatif
et il est encore particulièrement mis en évidence au travers de l'analyse du parcours réalisé par
un des patients du IESA qui, dans les 5 années précédents l’accueil en famille tout aujourd'hui en
cours, a totalisé bien 582 jours de prise en charge en structure hospitalière pour des crises de
type maniaque alors que dans les 5 années suivant son séjours en famille d’accueil il n'a plus
jamais été hospitalisé. Dans ce cas spécifique, où l’on se référent à une personne ayant un
diagnostic de troubles bipolaires I et n’ayant pas connu de variations essentielles au niveau de la
thérapie pharmacologique, il émerge avec grande force l'impact thérapeutique, aisément isolable,
provenant du facteur environnemental. Cette personne est passée du rôle de patient pensionnaire
psychiatrique en communautés protégées ayant fréquemment recours à l'hospitalisation lors
d’importantes crises maniaques à celui de personne avec des capacités résiduelles valorisée par le
nouveau milieu familial au point que sa contribution dans la gestion du bar et du cercle récréatif
des accueillants est devenu fondamental. Ce recouvrement d'identité "saine", le rôle reconnu
d'aide barman, a consenti au sujet un chemin progressif vers une plus grande sérénité et surtout
vers une humeur plus stable au point de ne plus avoir été hospitalisé en service psychiatrique
dans ces 6 ans de vie en habitation soutenue. Si un temps les membres de sa famille l’ont
repoussé, pour les difficultés relationnelles et les bizarreries comportementales, ils ont depuis
quelques années renforcé la relation, en lui rouvrant les portes de leurs maisons et en exprimant
à plusieurs reprises la volonté de lui offrir un nouvel espace vital au sein de celles-ci, croisant
toujours un gentil : « merci mais maintenant je me porte bien ici».
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 6
Gianfranco Aluffi, L’évolution récente de l’AFT en Italie
Caractéristiques du modèle
Le service IESA est organisé comme structure départemental centralisée, avec des appendices
dans les centres de santé mentale territoriale et il collabore en synergie avec toutes les agences
du département de santé mentale. Le modèle expérimenté dans ces dernières années prévoit une
organisation qui se compose d’1 responsable et d'un numéro d'opérateurs proportionné aux
projets en cours, 1 opérateur pour chaque 10 accueil en famille. Le responsable s'occupe entre
autre de la coordination, de la formation et de la supervision des opérateurs. Le service IESA se
rend promoteur de supervisions cliniques élargies relatives aux projets engagés, auxquels
participent aussi les opérateurs des autres agences départementales impliquées.
Les projets sont structurés sur la base du temps de vie en commun selon quatre typologies:
temps partiel; court terme; moyen terme; long terme.
Dans les projets à temps partiel le volontaire ou la famille passe quelques heures avec le patient
durant la journée ou en fin de semaine, selon les objectifs à poursuivre. Cette modalité peut avoir
une fonction propédeutique aux projets IESA à temps plein ou il peut fournir un soutien à des
gens qui vivent seuls en logement ou qui se trouvent dans une structure et qui en ressentent la
nécessité. En ce qui concerne les projets à temps plein (court terme, moyen terme et long terme)
ils se différencient pour leur durée et pour leurs différentes typologies d'usage. Le court terme
s'adresse aux moments de crise ou de besoin temporaire de décontextualisation
environnementale, ceux à moyen terme vise à la réhabilitation du sujet et au passage de ceux-ci à
une vie plus autonome, alors que le long terme s’adresse aux personnes âgées ou aux sujets avec
de considérables besoins d'assistance.
Le patient, même lorsqu’il se trouve sous mesure d'interdiction, est totalement impliqué dans
toutes les phases du projet, de la décision d'initier ou non « une vie en commun » jusqu’aux
détails de celle-ci.
Nous avons dernièrement enregistré un épisode curieux qui nous a fait répondre à une demande
directe et spécifique de vie en commun soutenue. Deux patients de notre département, vivant
dans une pension assistée dans le centre de Turin, après avoir pris connaissance de l'existence
du service IESA de Collegno, sur un quotidien, nous ont contactés et ont pris rendez-vous pour
un entretien approfondi. Tout de suite nous avons observé comment notre offre éventuelle et
leurs objectifs coïncidaient parfaitement. Les deux se plaignaient que depuis quelques semaines,
avec le changement du gérant, la clientèle de la pension s’était empirée frappant ainsi la qualité
des services d’hébergement. En outre, les récits exposés en témoignage laissaient supposer une
atmosphère assez lointaine de l'image d’une petite pension à gestion familiale auquel était sujet
l’hôtel en question jusqu’à la gestion précédente. Leur désir était de continuer à vivre ensemble
dans une maison avec la cuisinière de la pension, qui entre temps avait démissionné, et les filles
de celle-ci. Entre ces cinq personnes, depuis pas mal d'années s’était créé un bon rapport fondé
sur le respect réciproque et sur l’entraide quotidienne. Après avoir contacté la cuisinière et les
deux filles, et avoir enregistré une convergence unanime de buts avec les deux patients, nous
avons acheminé les procédures de certificat d'aptitude au projet de vie en commun et, à la suite
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 7
Gianfranco Aluffi, L’évolution récente de l’AFT en Italie
du résultat positif de celle-ci nous avons exprimé le consentement institutionnel en offrant le
support et le soutien économique nécessaire.
À 2 ans du commencement du projet, les cinq vivent heureux dans un ample appartement choisi,
décoré et qu’ils ont aménagé ensemble. Une paire de semaines après le démarrage du projet
d’AFT, la pension qui les recevait fut fermée suite à un contrôle des forces de l'ordre. Sur les
journaux, que les garçons quelques jours après le blitz nous montrèrent avec l'air fier de ceux
qui avait deviné par avance, étaient mentionnés des crimes liés à l'exploitation de la prostitution
et au recel d’immigrés clandestins.
Données cliniques et socio-demographiques
Les graphiques suivants décrivent partiellement le profil des utilisateurs et des volontaires
sélectionnés par le service.
En ce qui concerne le genre sexuel des candidats nous avons presque une situation d'équilibre.
Femmes Hommes Total
N° 45 39 84
La distribution de l'âge des patients est relativement uniforme.
18 - 30 30 - 45 45 - 60 > 60 Total
N° 16 18 25 25 84
En ce qui concerne les champs diagnostiques relevés, presque les 3/4 de la population est
schizophrénique.
Troubles de
personnalité
Schizophrénies Troubles de
l’humeur
Oligophrenies Total
N° 13 56 8 7 84
Quant aux candidats accueillants:
Un peu plus du 50% sont des couples avec enfants;
Seule
femme
Seul
homme
Couple
sans
enfants
Couple
avec
enfants
Seul
avec
enfants
Famille
élargie
Total
N° 7 2 11 35 11 2 68
78% des candidats sont des femmes;
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 8
Gianfranco Aluffi, L’évolution récente de l’AFT en Italie
Femmes Hommes Total
N° 53 15 68
85% de notre population est comprise entre 30 et 60 ans;
18 - 30 30 60 > 60 Total
N° 3 58 7 68
la distribution des niveaux d'instruction est relativement homogène;
Primaire Collège BEP - CAP Baccalauréat Bac + 5 Bac + 9 Total
N° 13 24 5 17 8 1 68
Aussi, les catégories professionnelles sont représentées de manière hétérogène avec une grande
partie des participants, 43%, représentant le secteur de l’aide aux personnes
Aide
aux
personn
es
Retrai
té
Sans
emplo
i
Commerça
nt
Employ
é
Ouvrie
r
Agriculte
ur
Mère
de
famill
e
Tot
al
N° 29 4 9 5 5 8 1 7 68
Le type d'habitation plus diffusé dans l’échantillon est l’appartement : 60%,
Appartement Logement
social
Villa Maison
indépendante
Total
N° 41 5 14 8 68
Au sujet de l'origine géographique des candidats on enregistre dans la dernière période une
augmentation de la population d’origines étrangères, surtout Roumains et Péruviens.
Nord Italie Sud Italie Etranger Total
N° 30 24 14 68
AFT et urgences
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 9
Gianfranco Aluffi, L’évolution récente de l’AFT en Italie
Dans le but de relever les effets bénéfiques de la variable « environnement » présente comme
solution d’accueil, tel l’AFT, nous avons organisé deux types de recherche qui focalisent
l'attention sur l'indicateur de « l’hospitalisation ayant pour cause la crise psychiatrique ».
La première repose sur une méthodologie longitudinale et compare pour 8 patients une période de
temps passée en AFT et une période équivalente, mais, écoulée avant ce même projet AFT. Le
séjour en famille d’accueil le plus court dure 259 jours alors que le plus long totalise 2346 jours.
L’ensemble des séjours AFT représente un total de jours égal à 10444, soit un chiffre équivalent
au total des jours que les 8 patients ont passé en structure protégée avant d'être inséré dans
des familles d’accueil.
A partir de l'analyse des données, nous pouvons observer que nos 8 patients ont totalisé 11
hospitalisation pour un totale de 612 jours en service psychiatrique hospitalier dans la période
précédente à l’AFT alors que durant la période de placement familial nous n’en relevons aucune.
Une telle confrontation souligne l’excellente performance de l'AFT relativement aux crises
symptomatologiques et aux hospitalisations conséquentes.
Si on prend en considération que le milieu de provenance des 8 patients est la communauté
protégée, avec une intensité de l'intervention sanitaire significativement supérieure par rapport
à l'AFT, ce qui a été énoncé précédemment vient renforcé.
Nous sommes parvenu à un résultat analogue à travers l'analyse de 195 « passages » de patients
dans les structures du DSM reconductibles aux catégories des résidences protégées
(communautés protégées de type A et de type B) et habitations soutenues (AFT et Logements
soutenus). Ces deux catégories ont été créées pour affinité de type environnemental entre sous-
catégories. Les communautés protégées de type A et de type B sont des structures composées
de 20 patients en régime d’accueil avec des temps d'hospitalisation de 3 ans ou plus. Le personnel
sanitaire et éducatif est présent 24 heures 7 jours sur 7.
L'AFT et les logements soutenus reposent sur des habitations civiles où l'intervention est le
soutien et le patient se retrouve inséré dans un système de relations sociales normales.
Les données recueillies se réfèrent à 3 ans consécutifs: le 2004, 2005, 2006.
Comme unité a été choisie le « passage » du patient dans la structure afin d'obtenir une
population plus ample. Puis, les passages totaux ont été subdivisés en deux groupes selon s’ils se
sont effectués en communautés protégées, (N° 95) ou en habitations soutenues (N° 100).
Les deux groupes ont été comparés sur la base de la distribution des variables relatives au sexe,
à la tranche d'âge et au champ diagnostic et se sont révélés presque superposables du fait de ne
pas avoir présenté de différences significatives au test du Khi 2, en adoptant un degré de
confiance égal à 0,05.
Foyer protégé Habitations soutenues
(AFT + logements soutenus)
Total
Homme 58 (61%) 60 (60%) 118 (60%)
Femme 37 (39%) 40 (40%) 77 (40%)
Age 18-35 32 (33%) 22 (22%) 54 (28%)
Age 36-65 56 (59%) 59 (59%) 115 (59%)
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 10
Gianfranco Aluffi, L’évolution récente de l’AFT en Italie
Age >66 7 (8%) 19 (19%) 26 (13%)
Schizophrénies 76 (80%) 79 (79%) 155 (79%)
Troubles humeur 3 (3%) 4 (4%) 7 (4%)
Troubles personnalité 12 (12%) 12 (12%) 24 (12%)
Oligophrénies 4 (5%) 5 (5%) 9 (5%)
Les données soulignent, déjà à la comparaison des moyennes, une différence considérable.
L'impact des jours d’hospitalisation sur ceux du projet total est en effet de 0,55% pour les
habitations soutenues et rejoint les 3% relativement aux communautés protégées.
Appliquant le T-test pour les échantillons indépendants et des variances différentes, pour α
=0,01, une telle différence entre les moyennes se révèle significative.
Ce résultat confirme les hypothèses d'une influence du facteur environnemental sur la totalité
des journées d'hospitalisation annuelle par patient.
AFT et benzodiazepines
Une autre ligne de recherche relative à l'évaluation de l'impact environnemental de l'AFT
concerne l’évolution de la prise de benzodiazepine.
Nous avons utilisé un dessin analogue à la recherche longitudinale sur les hospitalisations avec
une population de 8 patients. Le temps pris en considération cette fois concerne, pour la
population entière, 12 mois d'AFT et les 12 mois précédents à son commencement, en principe
effectués en communauté protégée. La population est composée de 6 hommes et 2 femmes d'âge
moyens de 43,5 ans.
Les diagnostics sont reconductibles aux 3 champs suivants: Schizophrénies (5); Troubles de la
personnalité (2); Oligophrénie (1).
La thérapie relative à la prescription de benzodiazepines a été analysée à travers la méthode des
équivalences. La diminution relevée entre la période en communauté protégée et la période en
AFT est de 18 %.
0,000
1,000
2,000
3,000
4,000
5,000
6,000
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8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 11
Gianfranco Aluffi, L’évolution récente de l’AFT en Italie
La thérapie anxiolytique résulte étroitement liée d'une façon générale au facteur
environnemental et non seulement aux caractéristiques de la pathologie. Cela montre comment un
milieu accueillant, émotionnellement stable et rassurant, tel justement celui offert par l'AFT,
peux permettre de renoncer à quelques médicaments ou d'en réduire les dosages.
Bibliographie
Furlan P.M., Cristina E., Aluffi G., Olanda I. Programma l’accoglienza - L’Inserimento
Eterofamiliare Supportato di Adulti sofferenti di disturbi psichici (IESA). In: Società italiana
di Psichiatria - Bollettino scientifico e di informazione. n° 2 Anno VI Luglio 1999
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8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 1
Dr Jean Garrabé, « Réponses à l’isolement familial dans la psychiatrie française du XIXème et XXème siècle »
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Dr Jean Garrabé.
Psychiatre honoraire des hôpitaux.
Vice-président du conseil d’administration de l’Elan retrouvé.
Administrateur de l’Œuvre Falret.
« Réponses à l’isolement familial dans la psychiatrie
française du XIXème et du XXème siècle. »
Le questionnement sur les liens ou l’absence de liens familiaux des malades
mentaux apparaît pour la psychiatrie française dès sa naissance au début du XIX
è siècle.
L’histoire nous montre Philippe Pinel (1745 Ŕ1826), lorsqu’il entreprend avec l’aide
de Jean Ŕ Baptiste Pussin (1745-1811), de la femme de celui-ci Marguerite
Jubline (1754- ?) et de ses élèves J. E. D. Esquirol et François Ŕ Jacob Landré Ŕ
Beauvais le traitement moral des aliénées à la Salpêtrière à partir de 1802, se
préoccuper de connaître exactement la situation familiale des femmes qui y sont
admises ;il se plaint de ne pas avoir de renseignements précis sur ce point pour
celles qui sont conduites à l’hospice par la police ; il cherche à rencontrer les
familles ,lorsqu’elles existent, pour connaître les circonstances d’apparition des
troubles et surtout pour savoir si elles seront à même de recevoir les aliénées
convalescentes à leur sortie de l’hospice. Il se faisait enfin un souci particulier
pour celles isolées, seules ou abandonnées par les leurs qui se retrouvaient sans
logement et sans ressources dans une grande ville comme Paris ;la seule solution
était le maintien à vie dans l’hospice cette fois en tant que travailleuses pour
celles qui en étaient capables . Il ne faut pas oublier que la grande majorité des
pensionnaires de la Salpêtrière étaient constituées de femmes âgées plus ou
moins valides et qu’il n’y avait pas de personnel pour s’en occuper. (1)
Pinel a transmis son inquiétude sur cette question à ses élèves et en premier à
Jean Etienne Ŕ Dominique Esquirol (1772- 1840). Celui-ci a expliqué, dans une
Notice sur le village de Gheel qu’en 1803 Mr de Pontécoulant , préfet du
département alors français de la Dyle fit transférer à Geel les aliénés entassés
dans des conditions lamentables à l’hospice de Bruxelles qui en était la
préfecture. Esquirol se rendit en 1821 avec son collègue Félix Voisin (1794-1872)
pour juger des résultats obtenus par cette mesure . Après avoir rapporté
l’origine de cette « colonisation » (sic) des aliénés,dont l’origine remonte au VII
è siècle où la tombe de Sainte Nymphna qui ,selon la légende, y aurait été
martyrisée et enterrée était devenue un lieu de pèlerinage célèbre pour la
délivrance des possédés du démon, Esquirol en fait le bilan .Il est assez mitigé.
Au moment de la visite de nos deux aliénistes il y a à Geel de 4 à 5OO aliénés
pour 6 à 7 OOO habitants. Les familles qui en hébergent reçoivent de 200 à
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Dr Jean Garrabé, « Réponses à l’isolement familial dans la psychiatrie française du XIXème et XXème siècle »
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3OO francs par pensionnaire mais ne peuvent en héberger plus de cinq. ( J’ignore
quel était le coût en 1821 de l’hébergement d’un aliéné à Bicêtre ou à la
Salpêtrière). Même si un certain nombre d’aliénés guérissent chaque année à
Geel et que, malgré la grande liberté qui leur est laissée il n’y a pas d’accident
majeur, les hommes participant aux travaux agricoles et les femmes à ceux
domestiques dans les familles d’accueil , Esquirol conclut qu’il y aurait intérêt à
limiter ce placement aux aliénés « paisibles et propres » ( Il semble avoir été
effrayé par la malpropreté qui régnait à Geel) et à construire un asile
départemental pour les autres. Cette notice est apparue assez importante aux
yeux d’Esquirol pour qu’il l’inclut dans le recueil de ses textes sur les maladies
mentales publié peu avant sa mort (2). En 1821 Esquirol est en pleine campagne
pour obtenir des pouvoirs publics, nous sommes encore sous la Restauration, la
construction d’un établissement réservé au traitement des aliénés par
département, qu’il propose d’appeler « asile » pour mieux le différencier
d’ « hôpital », terme qui a une fâcheuse réputation. Mais ceci n’aboutira qu’avec
le vote de la loi du 30 Juin 1838, sous la Monarchie de Juillet, après de
nombreuses discussions notamment à la Chambre des Pairs, surtout pour des
raisons d’économie, les politiques étant réticents à l’idée de mettre à la charge
des départements le coût de la construction et de l’entretien d’établissement
pour les aliénés indigents et sans doute sceptiques quant au résultat obtenu par
cette institution. Le maintien dans la famille des aliénés moins onéreux avait des
défenseurs. Il ne faut pas oublier que la loi de 1838, sans doute une de celles qui
ont eu la plus logue vie en France peut être considérée comme la première loi
sociale car elle mettait à la charge de la collectivité les dépenses entraînées par
le traitement de malades sans famille ou venant de familles insolvables.
C’est peu après l’adoption de cette loi qu’un élève d’Esquirol, JeanŔPierre Falret
(1794 Ŕ1870) devait faire faire à l’assistance aux malades mentaux en dehors de
l’hospice le pas décisif en la matière. En effet cet aliéniste, surtout connu de nos
jours pour avoir décrit ce qu’il nommait « folie à double »- la future psychose
maniaco-dépressive de Kraepelin et nos actuels Troubles bipolaires- fonda en
1843 une Société de patronage et un « asile » pour les convalescentes sortant de
son service à la Salpêtrière, « intermédiaire, dit-il, entre l’hospice et la société »
. Notons que pour Jean- Pierre Falret c’est l’asile qui est la structure
intermédiaire entre l’hospice, l’hospitalisation plein temps dirons-nous
aujourd’hui, et le retour dans le milieu social. Notre collègue et ami de l’ASM 13,
Bernard Odier a fait sa thèse sur les sociétés de patronage d’aliénés guéris et
convalescents au XX è siècle. (3) Lorsqu’en 1864 Jean- Pierre Falret publie un
recueil de ses nombreux travaux il parlera de ce patronage comme de « l’œuvre
principale à laquelle nous avons consacré notre vie » (4. Introduction. P. LXV). Je
ne pense pas que ce soit par hasard que le médecin qui a le premier souligné le
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critère de l’évolution dans la description d’une maladie mentale se soit tout
particulièrement intéressé au problème de la sortie de l’hospice des
convalescents en rémission. Falret n’envisage pas leur placement à distance de
Paris dans un milieu agricole et le premier « foyer » créé se trouve rue du
Théâtre dans ce qui était alors Grenelle.
Le siège de l’Oeuvre Falret, association reconnue d’utilité publique depuis plus
d’un siècle, s’y trouve toujours. Elle gère en ce début du XXI è siècle plusieurs
dizaines d’établissements dits « médico Ŕsociaux » mais n’intervient pas dans le
domaine sanitaire, la législation et la réglementation actuellement en vigueur en
France établissant en effet une coupure entre ces deux domaines, notamment en
ce qui concerne leur financement. Cette coupure nous paraît dommageable pour
les malades qui dans la réalité journalière nécessitent l’assistance simultanée ou
successive de structures relevant de ces deux domaines.
Ceux d’entre nous qui siégeons dans les instances d associations de ce type
défendons la signature entre elles et des établissements hospitaliers de
conventions visant à réduire cette coupure.
Des discussions eurent lieu vers 1860 lorsque se mirent effectivement en place
les asiles d’aliénés départementaux prévus par la loi de 1838 pour savoir s’il
n’existait pas d’autres formules plus économiques.
Cette mise en place, qui a de toute manière était très longue de sorte que l’on a
pu dire que les asiles ont commencé à fonctionner quand le modèle proposé était
dépassé, s’est faite de manière très différente selon les départements. Celui de
la Seine a entrepris sous l’autorité du préfet Haussmann (1809-1891) la
construction d’un ensemble d’asiles, l’un central Sainte-Anne où nous sommes,
entourés d’asiles périphériques. Mais dans d’autres départements on été utilisés
les bâtiments d’anciennes abbayes comme en Eure et Loir à Bonneval où se
trouve l’actuel Centre Hospitalier Henri Ey ou dans la Nièvre à La Charité-sur-
Loire où le
C H S vient de prendre le nom de Pierre Lôo. Au début de la Seconde Guerre
Mondiale , lors de la campagne de France il se produira des évènements qui
donneront beaucoup à réfléchir sur les possibilités de réinsertion de malades
sortis de l’asile dans des conditions pourtant a priori peu favorables. Mais je dois
dire qu’il n’est pas facile de savoir ce qui s’est exactement passé lorsque l’asile
s’étant trouvé bombardé pendant les combats autour du pont sur la Loire, les
portes en ont été ouvertes aux malades, les récits fait par des témoins
oculaires ,j’en ai personnellement connus dans le personnel hospitalier , et
d’autres récits officiels ou non ne coïncidant pas. Il me semble que ce fait
historique a donné naissance à une légende.
Mais revenons un siècle en arrière. Dans d’autres départements des accord ont
été signés souvent avec des entrepreneurs privés pour créer des « fermes Ŕ
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Dr Jean Garrabé, « Réponses à l’isolement familial dans la psychiatrie française du XIXème et XXème siècle »
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asiles » comme dans l’Oise à Clermont qui finira par devenir un gigantesque
établissement ou à Leyme dans le Lot qui restera d’une taille raisonnable .Ici
aussi la guerre se chargera de nous apprendre que les morts de faim seront
beaucoup moins nombreuses chez les aliénés internés dans les asiles de petite
taille souvent privés gérant leur propre ferme que dans ceux, publics, de grande
taille,situés dans des centres urbains où les malades internés avaient vu en
outre se rompre les liens familiaux.
Ce n’est qu’à partir de ceux du département de la Seine, dont la population
augmente sans cesse pendant la seconde moitié du XIX è siècle que seront
tentées les expériences de placement familial des malades en milieu rural pour
tenter d’en réduire l’encombrement.
C’est Auguste Marie (1865-1934) qui ayant bénéficié à la fin de son internat d’un
bourse de voyage pour visiter les colonies familiales en Ecosse et à Geel, qui
proposa cette « solution applicable à de nombreux malades chroniques stabilisés
dont la sortie était rendu impossible par l’absence de famille d’accueil et
l’inadaptabilité à un milieu urbain en pleine industrialisation » comme l’était le
département de la Seine à la fin du XIX è siècle. Un premier convoi de malades
arrive en 1891 à DunŔsur-Auron dans le Cher ; il existe curieusement dans le
Berry des traditions de lieux placés sous le patronage de saints plus ou moins
légendaires propices aux traitement de la possession et de la folie. Devant les
premiers résultats obtenus une annexe est créée à Ainay le Château dans l’Allier
en 1898. qui devient un établissement indépendant dirigé par le docteur Salomon
Lwoff. (Son fils André Lwoff (1902-1984) prix Nobel de médecine en 1965 est
né dans cette colonie familiale agricole)
Il faut noter que les malades conduits vers ces colonies étaient considérés
comme sortis de l’asile au sens de la loi de 1838 ce qui posait un certain nombre
de problème dont celui du financement de la rétribution des familles d’accueil.
Mon maître Paul Sivadon (1906-1992) a raconté dans un récit autobiographique
sa surprise quand, après son internat dans la Seine, il est en 1936 nommé
médecin -directeur de la colonie familiale d’Ainay le Château : « des malades que
j’avais connu en milieu asilaire délirants ou inhibés se transformaient en quelques
semaines ,après avoir été plongés dans ce bain très particulier ,fait de relation
avec la nature et avec un milieu familial simple,peu exigeant, volontiers indulgent
aux superstitions et à la pensée magique dont il est luis même imprégné . »
(5) .C’est indubitablement cette expérience qui fera de Sivadon un des
promoteurs de la psychiatrie sociale d’après Ŕguerre. Il est en effet nommé en
1943, en pleine occupation, médecin des hôpitaux psychiatriques de la Seine où
lui est confié le service d’hommes de Ville ŔEvrard (Cet établissement était
encore divisé en une partie « asile » et une autre « maison de santé » qui
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Dr Jean Garrabé, « Réponses à l’isolement familial dans la psychiatrie française du XIXème et XXème siècle »
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recevait les malades payants). Ce service abritait six cents malades, il en était le
seul médecin assisté de deux internes. Cet état de chose conduisit Sivadon et
d’autres collègues confrontés à des situations analogues dans la région parisienne
ou en province à mettre en place dès la Libération avec l’aide de l’Assurance
maladie qui venait d’être créée pour les travailleurs salariés les C T R S
(Centre de traitement et de réadaptation sociale) qui seront au nombre de 4 à
Ville Evrard ,Villejuif, Bonneval et Saint ŔAlban. Je crois que l’on oublie
l’importance qu’a eu en France contrairement à d’autres pays où elle n’est
toujours pas obtenue la prise en charge par l’assurance maladie des soins aux
malades mentaux pour la révolution psychiatrique qui s’et alors produite. Pour le
monde rural l’autre système d’assurance- maladie, la Mutualité agricole a joué un
rôle comparable.
Les C T R S constituaient le volet hospitalier de l’assistance aux malades et
apparemment n’abordait pas celui de l’ accueil à la sortie de ceux qui sont isolés
sur le plan familial mais j’ai eu récemment la surprise d’entendre le directeur de
la D A S de Paris déclarer au cours d’une réunion consacrée à l’action canal Saint
Ŕ Martin des Enfants de Don Quichotte que la solution au problème des S. D. F
serait la réouverture de C T R S. où effectivement ces sujets recevaient les
soins somatiques et psychiatriques que leur état de santé exige avant que puisse
être résolue la question de l’hébergement.
J’ai moi-même interne ou assistant au C T R S de Ville Evrard qui disposait
désormais en sus du médecin-chef deux médecins assistants et six internes,
participé il y a cinquante ans au choix ou au tri, je ne sais comment dire des
malades envoyés dans les colonies agricoles pour réduire l’encombrement et
même le « surencombrement » ,puisque le taux d’occupation des lits était de 125
%. L’autre volet celui de la prise en charge extrahospitalière était confié a une
Association privée, l’Elan retrouvé, fondée en 1948 par Sivadon et ses
collaborateurs du C T R S de Ville Evrard puisque à l’époque un hôpital public ne
pouvait gérer des structures extra Ŕhospitalières. Des associations analogues on
été créées à la même époque à partir des autres
C T R S .
L’Elan retrouvé qui doit commémorer cette année son soixantième anniversaire
s’est centré d’emblée sur la post-cure avec la création d’une consultation de
post-cure extra -hospitalière en 1952, puis d’un foyer dans Paris en 1956 et
enfin du premier hôpital de jour de psychiatrie pour adultes en 1962 également
dans Paris.
Des associations analogues furent créées à parti des autres C T R S en tenant
compte des particularités locales tant sur le plan socio Ŕ économique que
sanitaire.
Depuis les structures sanitaires et médico- sociales créées ou gérées par l’Élan
se sont multipliées car à la différence de l’œuvre Falret, et sans doute parce que
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Dr Jean Garrabé, « Réponses à l’isolement familial dans la psychiatrie française du XIXème et XXème siècle »
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fondée un siècle plus tard , à la fin de cette période où la législation sociale et
sanitaire s’est considérablement enrichie et aussi compliquée , nous avons pu
maintenir une unité et une cohésion dans la politique menée pour ces deux types
d’institutions. Pour donner un exemple le Médecin Directeur de l’Elan assume
cette direction médicale tant pour le sanitaire que pour le médico Ŕsocial. Ceci
est peut être possible grâce à la reconnaissance « d’utilité publique » qui oblige
en même temps à une plus grande rigueur. L’Élan a ainsi pu prendre ces dernières
années la gestion de diverses structures de la région parisienne qui connaissait
des difficultés en raison de leur trop petites taille et surtout de leur isolément.
Mais je vais arrêter là mon rappel historique, avant 1970, même si j’ai parfois
dépassé cette date puisque c’est de ces années que le Dr Jean-Michel Gentizon
date la fin des colonies familiales dont il va nous parler maintenant.
Ouvrages cités.
1.- Pinel Ph. Traité médico- philosophique sur l’aliénation mentale. Seconde
édition entièrement refondue et très augmentée (1809) présenté et annotée
par Jean Garrabé et Dora B.Weiner . Paris : Les empêcheurs de penser en rond/
Le Seuil ; 2005.
2.- Esquirol E. Des maladies mentales considérées du point de vue
médical,hygiénique et médico - légal . Paris :J.-B. Baillière ;1838.
3.- Odier B. Les sociétés de patronage d’aliénés guéris et convalescents au XX è
siècle. Thèse Pari. Pitié. Salpêtrière 1982.
4.- Falret J. P. Des maladies mentales et des asiles d’aliénés. Leçons cliniques et
considérations générales ; Paris : J.-B. Baillière ;1864. Rééd. Chilly- Mazarin :
Sciences en situation.1994.
5.- Sivadon P. Psychiatrie et Socialités. Toulouse : Eres ; 1993 .
Argumentaire et appel à communication des 10èmes journées de formation du GREPFA les 7 et 8 juin 2012 à Villeurbanne
Vous trouverez ici, le recueil de l'ensemble des argumentaires et programmes des 9 congrès organisés par le GREPFA France depuis 1996.