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8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 1
Mme Benzidane, « Profession accueillante familiale »
Meriem BENZIDANE
Accueillante familiale, Roissy en Brie
« Profession accueillante familiale »
Faire en quelques lignes le discours d'une vie bien remplie, auprès de patients si
différents dans leur vécu. Rassurez-vous, je ferai court.
Cette profession, je ne l'ai pas choisi car je ne la connaissais pas. J'ignorais son
existence. Il est vrai que la A.F.T. reste méconnu tant dans sa manière de
fonctionner que l'intérêt qu'elle suscite auprès du public.
Les personnes extérieures à la profession n'imaginent pas que des patients ayant
des antécédents psychiatriques puissent être intégrés dans le quotidien d'une
famille d'accueil sans pour cela s'interroger sur les dangers compte tenu de leur
pathologie.
Le mot « psychiatrie » fait peur. J'explique autour de moi que ces personnes
fragilisées ont un suivi médical, traitement adapté, donc stabilisé.
Leurs problèmes, nous pouvons tous les rencontrer à un moment de notre vie. Rien
n'est dû au hasard, l'environnement familial, professionnel parfois sont souvent
déclencheurs de la déstabilisation d'un être déjà fragile. Plus de repères, ils
perdent tout contrôle et sont souvent déconnectés de la réalité.
Cette fragilité remonte à l'enfance. L'entourage ne détecte parfois pas le mal-être.
Pris par leurs propres préoccupations, les proches ne se rendent pas toujours
compte des messages envoyés qu’ils ne décodent pas.
Incompris, le patient se renferme sur lui-même, se crée un monde, un univers où
personne d’autre ne communique pas ou plus. Tristesse, mélancolie ou agressivité
sont des signes avant-coureurs. La dépression fait leur quotidien, l'hôpital est un
recours pour soigner les bleus de l’âme. L’accueil familial est un recours à la
guérison. Afin d’emmener le patient vers l'insertion... ou peut-être pas.
Les rechutes sont fréquentes quand l'émotion est trop difficile à gérer, le
placement est le meilleur moyen pour la thérapie.
Les changements de comportements sont flagrants, quand les cas difficiles étaient
considérés comme désespérés.
Une relation s'installe, ils reprennent confiance peu à peu.
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Mme Benzidane, « Profession accueillante familiale »
L'encadrement : l’équipe et la famille sont essentielles pour le bon fonctionnement
du placement.
La confiance entre toutes les parties est « primordial » le soutien de l'équipe en
toute circonstance est « vital » pour préserver la famille accueillante.
La fonction de l'hôpital est de soigner le patient et aussi de veiller à l'équilibre de
la famille d'accueil. Le retour à l'hôpital n'est pas toujours une solution. L'équipe
très compétente et humaine pour parer au plus urgent, recadrer le patient sans
pour cela prendre une décision hâtive ou radicale dans l’intérêt de chacun.
Dans mon travail, j'ai rencontré des difficultés au quotidien que j'ai réglées à ma
manière.
À la maison, des règles élémentaires sont instaurées pour le bon fonctionnement.
J'ai vécu des moments intenses avec les patients qui m'ont été confiés depuis de
nombreuses années (15 ans). Toutes sortes de pathologie : alcoolique, autiste léger,
maniaco-dépressifs...
Attachant, distant, en quête d'affection, en recherche de chaleur humaine tout
simplement. Toutes les classes sociales sont touchées, toutes les professions.
Artiste, fonctionnaire, médecin psychiatre, ouvrier, personne n'est épargné.
Des anecdotes : des nuits blanches, des fugues, des nuits au commissariat, aux
urgences hôpitaux, tentative de suicide, accompagnement dans une longue maladie.
Douloureuses soit, mais il en ressort de belles leçons de vie.
Sans domicile fixe et alcoolique :
Dont personne n'aurait voulu.
Ce monsieur portait dans son regard tant de souffrance que j'en étais touchée. Une
visite à domicile pour faire connaissance. Je savais la réaction de chacun des
membres de ma famille qui se demandait même si « j'étais saine d'esprit ». Malgré
tous les arguments, je ne pesais pas lourd dans la balance. Mari et enfants se sont
ligués contre ma décision. J’ai souhaité faire un essai avant de décider. Je savais au
fond « que j’avais raison ». <l’essai se fait, j’accepte le placement. Personnellement,
son statut de sans-domicile fixe ne m’a pas effrayé. Ma famille « franchement oui »
je vous laisse imaginer
pourquoi. Le temps de faire connaissance, on passe aux choses sérieuses.
Relooking, j’avais une journée pour épater la famille et leur prouver que j’avais
raison. Une métamorphose garantie Le soir venu, la réaction de chacun ne s’est pas
fait attendre. Je n’étais pas peu fier du changement.
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À ce monsieur, j’ai seulement redonné l’apparence humaine, sa dignité qu’il avait
égarée en chemin. Il disait avoir passé ses plus belles années chez nous. Aujourd’hui,
je dis que c’est ma plus belle réussite dans le placement A.F.T.
Autiste que l’on croyait fugueur :
qui en réalité était désorienté dès lors que sa trajectoire était modifiée. Il partait
pour Paris mais ne savait pas revenir. Pendant six ans « j’ai tout essayé en vain ». Il
y a quelques mois, j’étais sur le point de mettre fin au placement. Mais je ne baisse
pas les bras si facilement, je n’aime pas les échecs, je suis donc donner une autre
possibilité non explorée.
Un dernier essai en sorte. J’ai expliqué au patient, sans être sûr d’être comprise
que j’étais fatiguée, épuisée de passer des nuits à attendre son appel en pleine nuit
pour aller le chercher. Je lui dis que dorénavant il fallait qu’il se débrouille tout seul
pour revenir à la maison. Je n’irais plus à sa recherche, qu’ils demandent sans chemin
à des passants qui lui indiqueront la direction puisqu’il a nos coordonnées. J’étais
décidée dans mon discours à tenir bon. Un jour, il part pour Paris Mais à 20 h je
vois arriver G.. Je reste sans voix. Il est là devant moi, souriant quand moi je reste
surprise par l’exploit. Je le questionne afin de savoir comment il s’est débrouillé
pour arriver jusqu’à la maison.
As-tu demandé ton chemin comme je te l’avais demandé ?
Il me répond : non ! Je sais revenir !
Comment tu savais ! Et toutes ces années où je venais te récupérer. C’était
quoi ?... Quelque chose s’est déclenché. Le temps sûrement, la patience sans
doute, la volonté vous donne souvent raison.
Un patient indépendant :
N’acceptant pas les règles mises en place pour l’A.F.T. Départs violents et
volontaires. Qu’il regrette aussitôt. Après son départ, il supplie qu’on le reprenne.
Plusieurs départs, nous étions déstabilisés et décidons de cesser le placement.
Mais un dernier essai accepté par toutes les parties. L’équipe a proposé un contrat à
court terme pour que le patient ne se sente pas enfermé.
Génial ! Aujourd’hui, le patient sollicite lui-même un contrat à plus long terme pour
être assuré qu’il restera chez nous.
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Énormément de situations pour chaque patient, drôles quelquefois, douloureuses
parfois. Mais toujours une issue adaptée. Les solutions se trouvent sur l’instant
dans le calme, la sérénité pour ne pas perturber l’environnement familial.
Une patiente fait une TS :
Rien ne présageait un tel acte une journée ordinaire Le lendemain matin, étonnée
de ne pas la voir se réveiller, je monte, frappe à sa porte, pas de réponse J’entre
donc. Elle dort profondément Je ressors Mais reviens à la charge cinq minutes
plus tard. Étonnée tout de même. J’ai, comme un déclic et là je réalise qui se passe
quelque chose. Je prends les mesures qui se doivent. Les pompiers, l’équipe pour la
prévenir de la situation Pendant ce temps, ma fille de huit ans à l’époque me fait le
récit de la veille. Elle me dit avoir aperçu la patiente entrer dans la salle de bains
avec des médicaments dans la main. J’en fais part aux pompiers, je fouille dans la
corbeille de la salle de bain, trouve des boites vides. Les pompiers font un constat,
nous rassurent sur l’état de santé de la patiente. Elle s’en sort avec un lavage
d’estomac Je venais d’apprendre dans cette épreuve que ma fille du haut de ses
huit ans, observe, remarque autour d’elle les faits et gestes des occupants de la
maison sans pour cela épier. On ne peut pas être partout, on ne peut pas tout voir,
tout entendre. Instinctivement, elle venait de pratiquer la fonction de A.F.T. sans le
savoir.
Le quotidien du patient dans notre famille ou une journée type :
Un règlement est mis en place, ce qui est autorisé, les interdits, quelques menues
tâches sont demandées aux patients.
Participation à l’entretien de la chambre, courses, être le plus autonome possible.
Préparation de leur petit déjeuner, dresser et desservir la table, sortir les
poubelles, chacun sa tâche. Je sollicite leur aide le plus souvent possible. Ils
prennent tant l’habitude qu’ils le font avec plaisir, heureux de rendre service et de
se sentir utile.
Au commencement de la pratique de ma fonction, je m’étais fais un schéma bien
structuré afin de tenir une ligne de conduite pour les futurs placements.
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Mme Benzidane, « Profession accueillante familiale »
Les à faire, et -à ne pas faire
Pas d’amalgame entre ma vie de famille et ma future vie de famille d’accueil.
Je découvre un lourd passé, je comprends et réalise pourquoi des êtres se
fragilisent devant un tel parcours.
Je me surprends à apprécier ma propre vie.
-Est-ce que cela peut m’arriver ?
-Est-ce que je saurai faire face, si je touchais le fond
Je retrace mon passé, FLASH BACK !...
J’ai vécu des secousses, des tempêtes aussi, des ouragans même, des cyclones
beaucoup, tous traversés à contre courant et je suis là devant vous à vous faire
des confidences. Aujourd’hui, je relativise en comparaison d’autres situations.
Il faut avoir un passé pas simple pour être accueillante et pour bien comprendre
l’autre.
Il vous faut une dose de : maladie grave au sein de votre famille, pas une grippe
ou une bronchite mais une belle malformation congénitale qui provoque un séisme
de 10 sur l’échelle, dans tout votre être.
Quand vous revenez à la réalité, vous avez subi des dégâts corporels et mentaux
à un tel point que vous venez de toucher les abîmes. « Bienvenue à la réalité ».
Je ne bois pas, ne fume pas, ne me drogue pas mais dans cet état, cela ferait
sûrement du bien !!!...
Je suis intransigeante devant tous ces artifices. Dans cette situation, c’est
peut-être le moment d’essayer une évasion car mon corps souffre, mon cerveau
est déconnecté de la réalité
Je suis en plein vol J’ai trop de caractère, dommage, pour succomber.
La tentation est séduisante, s’échapper, oui mais combien de temps. Est-ce que
je saurai maîtriser la situation ? J’ai la faiblesse de croire que non.
A cette réponse, mon fichu caractère reprend le dessus. Pas question de tomber
dans la facilité. Je décide de prendre ma vie à bras le corps, sans faire appel à
ses amis qui me voudraient tant de bien
« La médication ».
Je nagerai à contre courant s’il le faut. Il le faudra bien mais je ne toucherai pas
le fond mais la rive. Fini de verser des seaux de larmes, j’ai été tiré au sort pour
vivre cette vie. Merci pour le cadeau.
J’en ai eu beaucoup de beaux cadeaux de la vie, j’ai appris à les apprécier sous
toutes leurs formes : du genre empoisonné, acidulé, amer ou sucré, de courte
durée mais de tous j’ai tiré des leçons de vie qui ont fait de moi ce que je suis
aujourd’hui. Debout devant vous !
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Mme Benzidane, « Profession accueillante familiale »
Mes douleurs d’hier me font compatir à la douleur des patients, en comparaison,
je n’ose plus me plaindre.
Sa propre douleur ne se mesure pas à la souffrance de l’autre. C’est ainsi
pourtant que j’ai appris à relativiser. Pour se sortir du gouffre, regarder si
l’autre est moins bien loti que vous.
Ce parcours fait une famille d’accueil prête à relever tous les défis.
Conclusion :
L’intégration d’une personne étrangère à notre famille se fait naturellement.
Un lien se créer, j’ai les mêmes inquiétudes pour mes patients lors d’une absence
prolongée, une maladie que pour ma propre famille. Il en est de même pour notre
entourage proche qui prend des nouvelles des patients sans distinction de parenté.
C’est aussi cela l’accueil familial. Cette expérience nous a tous changé.
Données c’est si peu de chose
Recevoir c’est beaucoup
Humainement c’est énorme
Cela n’a pas de prix.
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