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8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 1
Equipe RAFT, CHS Le Vinatier, Lyon, « Vers une spécificité de l’indication d’AFT »
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J. JUNG,
Psychologue clinicien, Equipe du RAFT, CHS Le Vinatier, Lyon.
Dr T. ROCHET,
Médecin chef, Equipe du RAFT, CHS Le Vinatier, Lyon.
C. PETAVY,
Assistante sociale, Equipe du RAFT, CHS Le Vinatier, Lyon.
N. POURCEL,
Assistante sociale, Equipe du RAFT, CHS Le Vinatier, Lyon.
S. MOUTARDE,
Secrétaire médicale, Equipe du RAFT, CHS Le Vinatier, Lyon.
« Vers une spécificité de l’indication
d’Accueil Familial Thérapeutique »
Initialement pensé comme une alternative à l’hospitalisation, L’AFT s’est
progressivement développé ces dernières années au point qu’aujourd’hui,
l’expérience acquise en ce domaine permet d’envisager les indications d’une façon
plus précise.
Après une présentation du dispositif d’accueil familial thérapeutique pour
enfants et adolescents (RAFT) créé il y a 8 ans en pédo-psychiatrie, nous
chercherons à dégager les enjeux posés par l’indication en AFT, à partir des
attentes multiples, des parents comme des services de soin, concernant cette
modalité de soin.
Ainsi, nous interrogerons, au-delà des aspects éducatifs, la place qu’occupe
cette modalité d’accueil dans le dispositif de soin ainsi que les conditions d’un
Accueil Familial « thérapeutique ».
Enfin, en nous appuyant sur les questions posées par ce type de prise en
charge, nous préciserons ce qui, aujourd’hui, nous paraît répondre, de façon
spécifique et pertinente, à une indication « positive » d’AFT en pédopsychiatrie.
Deux exemples de situations d’accueil viendront étayer notre réflexion.
1- Présentation du RAFT (Relais Accueil Familial Thérapeutique)
2- Pluralité des indications d’AFT
- Situation de Célestine
- Situation de Luc
3- Vers une spécificité de l’indication d’AFT
8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 2
Equipe RAFT, CHS Le Vinatier, Lyon, « Vers une spécificité de l’indication d’AFT »
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1 PRESENTATION DU RAFT :
Le Relais Accueil Familial Thérapeutique ou RAFT est une structure
intersectorielle (pédopsychiatrie), qui dépend de l’hôpital du Vinatier, situé à
Lyon. Ce service a été créé il y a maintenant presque huit ans pour répondre à
deux objectifs principaux :
1 Poursuivre et développer des modalités de prise en charge alternatives
à l’hospitalisation.
2- D’autre part, regrouper au sein d’une même unité les moyens mis à
disposition mais pas toujours utilisés (2 places tps plein par secteur) de chaque
secteur, afin d’organiser un dispositif d’accueil familial thérapeutique autonome
permettant le recrutement, le suivi et la formation des assistantes familiales,
ainsi que la mise en place effective des accueils.
Ce projet s’est développé avec la mise en place d’une équipe
pluridisciplinaire à temps partiel, composée d’un médecin chef, d’une secrétaire
médicale, de deux assistantes sociales, d’un psychologue et d’un groupe
d’assistantes familiales aujourd’hui au nombre de 8 pour 20 enfants accueillis.
Le RAFT s’adresse à des enfants et des adolescents de 0 à 18 ans suivis au
sein d’une structure de soin dépendant de l’hôpital du Vinatier (CMP, HDJ,
CATTP).
Les demandes d’Accueil Familial Thérapeutique (AFT) nous sont adressées par
les équipes de soin où sont suivis les enfants. L’AFT s’inscrit de ce point de vue
comme un complément à un soin déjà engagé sur le pôle de pédo-psychiatrie,
lequel se poursuit pendant au moins toute la durée de l’accueil. L’AFT constitue
en ce sens une indication médicale posée par le médecin référent au même titre
qu’une prise en charge thérapeutique ambulatoire ou institutionnelle en centre de
jour, CATTP ou CMP.
On verra que le dispositif relativement nouveau et atypique que propose le
RAFT, au regard des autres modalités de soin en pédopsychiatrie, n’est pas sans
causer des tensions institutionnelles au sein de l’hôpital quant à la façon
d’organiser et de penser le soin à différents niveaux et en réseau, en
bouleversant parfois les pratiques institutionnelles traditionnelles.
Cette question en soulève une autre, à savoir quel est le statut de l’AFT au
sein du dispositif de soin en pédopsychiatrie. S’agit-il d’un soin à part entière ?
Doit-on considérer les assistants familiaux comme des soignants ? D’autre part,
qu’est-ce qui fait que cet accueil est thérapeutique ?
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Chaque demande adressée au RAFT est étudiée et fait l’objet d’une première
rencontre avec l’équipe soignante pour présenter la situation de l’enfant.
L’indication d’AFT n’étant pas une fin en soi, la demande est évaluée et reliée à
un projet à plus long terme comme par exemple une orientation dans un
établissement spécialisé type IME. Le temps, la fréquence d’accueil ainsi que
l’intérêt d’envisager des nuits ou des repas sont abordés lors de cette première
rencontre. Une attention particulière est portée sur l’adhésion de la famille au
projet d’accueil, condition indispensable à sa mise en place. Ce temps est
l’occasion pour l’équipe du RAFT de confirmer ou non l’indication et de
commencer à penser au profil d’une assistante familiale.
Une seconde rencontre est organisée en présence de l’assistante familiale
pressentie, de l’équipe soignante demandeuse et d’une partie de l’équipe du RAFT.
Cette rencontre est destinée à présenter l’enfant dans son environnement, le
dispositif de soin dans lequel il s’inscrit et à répondre aux questions de
l’assistante familiale.
Enfin, une dernière rencontre a lieu cette fois-ci sur le lieu de soin en
présence des parents, de l’enfant, de l’équipe soignante, de l’assistante familiale
et d’une assistante sociale du RAFT. Cette rencontre a pour objectif de finaliser
le projet d’accueil et débouche sur la rédaction d’un contrat d’accueil signé par
toutes les parties (C’est le moment où sont notamment abordés les aspects
pratiques de la mise en place de l’accueil, les engagements respectifs de chacun,
etc.).
On l’aura compris, toutes les modalités d’accueil sont potentiellement
envisageables à condition qu’elles prennent sens pour tous les acteurs de
l’accueil. L’AFT est donc pensé à chaque fois au cas par cas, dans une logique
d’intégration et d’articulation au dispositif existant. Cet aspect suppose en outre
une participation des équipes soignantes pour soutenir la réalisation du projet,
que ce soit à travers les liens qui s’établissent avec les familles d’accueil ou avec
le service du RAFT.
Par ailleurs, dans le but d’optimiser les aspects thérapeutiques d’un tel
dispositif, nous insistons sur l’importance de la différenciation des temps et des
espaces dans lesquels évolue l’enfant accueilli. C’est pourquoi dans la majeure
partie des cas l’accueil se limite à quelques séquences d’une durée variable de 2 à
6 heures par séquence, ceci en cohérence avec le dispositif de soin déjà en place.
Il s’agit de séquences fixes qui ont lieu en général de 2 à 4 fois par semaine.
D’autre part, la quasi-totalité des accompagnements sont effectués en taxi
(fonction tiers), transports pris en charge par la sécurité sociale. Ceci a pour
fonction d’assurer une différenciation des espaces en plus d’une certaine
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fiabilité du cadre d’accueil. Dans ces conditions, l’espace de l’accueil bénéficie
d’une certaine neutralité en devenant un espace protégé, suffisamment délimité,
ce qui ne signifie pas pour autant qu’il soit un espace étanche, coupé du monde
extérieur et du reste du soin. Au contraire, cette situation contribue à ce que la
famille d’accueil se sente suffisamment dégagée des éléments de réalité
susceptibles de modifier les conditions d’accueil, et puisse se concentrer sur l’ici
et maintenant de la rencontre avec l’enfant. Ce principe de différenciation à
l’origine de l’accueil, associé à la disposition d’esprit de l’assistante familiale,
permettra à l’enfant d’investir ce lieu différemment.
Un temps de supervision groupal mensuel ou plus exactement de reprise
élaborative des situations d’accueil est assuré par le psychologue. Destiné à
toutes les assistantes familiales, ce temps est l’occasion de travailler les
situations d’accueil et de leur donner collectivement un sens après-coup. Ce
travail a pour fonction de soutenir l’AF dans l’accueil et de l’aider à se situer
dans la rencontre avec l’enfant, de développer ses capacités d’élaboration
clinique et d’ajuster son positionnement professionnel aux situations
rencontrées. Ce travail peut être associé à un temps de reprise individuel, à la
demande de l’assistante familiale et/ou proposé par le psychologue.
Un temps de formation également mensuel assuré par le psychologue et des
intervenants extérieurs permet de reprendre et d’approfondir certaines
problématiques rencontrées dans l’accueil. D’une façon générale, la formation
propose un apport théorique sur des thèmes qui touchent de près ou de loin la
pratique de l’accueil.
Un accompagnement des familles d’accueil est également assuré par les
assistantes sociales. Il consiste en des entretiens téléphoniques réguliers et des
visites à domicile annuelles. Il s’agit donc d’un travail de liaison qui intègre tout
autant les aspects organisationnels de l’accueil que l’écoute et le traitement des
difficultés posées par l’accueil au quotidien.
2 PLURALITE DES INDICATIONS D’AFT :
Comme pour tout dispositif de soin, la création d’un service comme le RAFT
suppose l’élaboration d’un projet comportant des missions et des objectifs. Son
évolution dépendra à la fois de la manière dont le dispositif aura été sollicité
selon les attentes des pôles de pédo-psychiatrie et des expériences
temporellement acquises à travers les accueils successifs réalisés par notre
service.
Si l’élaboration d’un projet de service d’AFT permet de dégager un certain
nombre d’axes sur les objectifs thérapeutiques, il reste que toute une partie de
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son projet demeure liée à la façon dont il est utilisé en pratique par les services
de soin.
Sans doute bien davantage que pour les dispositifs classiques et malgré les
nombreuses sollicitations dont il est l’objet, le RAFT a pu et peut encore être
amené à souffrir d’une identité aux contours mal définis. En effet, la diversité
des représentations que peuvent s’en faire les équipes soignantes y contribue, en
l’assimilant tantôt à un accueil social à visée éducative, tantôt en le considérant
comme une alternative aux prises en charge thérapeutiques existantes.
Le vécu des familles d’accueil d’un manque de reconnaissance vis-à-vis des
services dans lesquels sont suivis les enfants qu’elles accueillent l’illustre bien
aussi, même si ce sentiment a pu évolué. L’indication « par défaut » rend compte
de cette problématique : confronté aux limites d’une prise en charge, l’indication
d’AFT pour une équipe de soin peut constituer avant tout un ailleurs, une issue,
un autre lieu, dans certains cas un relais du soin.
Parmi les indications dites « par défaut », on peut penser à ces patients sans
solution ou encore sans solution de soin satisfaisante. Ce sont des patients au
parcours thérapeutique souvent chaotique, ayant déjà fait l’objet sans succès de
plusieurs orientations / indications et / ou qui se trouvent en attente d’un accueil
en établissement médico-social. Il peut s’agir d’enfants dont le soin est amené à
s’arrêter. C’est le cas des prises en charge institutionnelles en centre de jour ou
CATTP petite enfance qui s’achèvent à 6 ou 12 ans et qui souffrent d’un manque
de relais au sein du secteur.
D’autres demandes mettent l’accent plus directement sur l’épuisement des
familles qui demandent à être soulagées.
Toutes ces demandes se traduisent par ce que nous pouvons appeler des
indications « par défaut », c'est-à-dire des indications dont le but est avant tout
de pallier le manque, la limite, l’échec face auxquels se retrouvent les équipes de
soin.
Pour autant, est-ce le rôle de l’AFT de répondre à ces demandes, de suppléer
au manque de structures adaptées sur le secteur ? Jusqu’où pouvons-nous
répondre sans risquer de compromettre le sens thérapeutique d’un tel projet ou
de nourrir l’illusion suivant laquelle l’AFT serait « La » solution à ce type situation
? A quelles conditions ces demandes peuvent-elles malgré tout prendre un sens
et ouvrir sur une évolution thérapeutique chez l’enfant ?
Il semble important de repérer ici, au-delà de la demande d’AFT pour un
patient, une demande institutionnelle plus profonde, consistant à traiter
l’intraitable, à trouver une réponse thérapeutique qui permettra dans certains
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cas de reconsidérer la problématique du jeune, de réinvestir une situation
devenue critique pour la famille, l’équipe de soin et l’institution.
Situation de Célestine :
Célestine a 4 ans et demi lorsqu’elle nous est adressée par le médecin du
CMP qui la suit. Elle bénéficie alors d’une prise en charge sur un groupe
thérapeutique deux fois par semaine et elle est suivie en parallèle en
orthophonie une fois par semaine dans le privé. Les entretiens révèlent un
léger retard : marche acquise à 18 mois, propreté à trois ans. Elle
présente à ce moment-là un trouble de l’attention : elle a du mal à écouter
les consignes, a besoin en permanence d’être cadrée. Elle ne présente pas
de trouble de la personnalité mais a du mal à accéder, semble-t-il, à
certaines modalités de symbolisation.
En réalité ce sont essentiellement ses parents qui sont en difficulté : la
maman est en invalidité, le papa a du mal à poser des limites et Célestine
ne bénéficie pas d’un étayage rassurant par ses parents.
La demande d’un accueil dans une famille pendant l’été est suscitée par
le fait que les parents se sentent en grande difficulté : l’école s’arrêtant,
ils ont très peur d’avoir à assumer leur fille toute la journée. Ce sont eux
qui ont besoin d’un relais.
Célestine est scolarisée à ce moment-là en grande section de maternelle
et l’équipe de soin a évoqué la possibilité à long terme d’une prise en
charge pour cette petite fille dans un établissement médico-social mais les
parents souhaitent pour l’instant que Célestine reste au domicile.
Devant l’ambivalence de la famille et pour tenir compte des différents
éléments de la demande, un AFT est envisagé chez une famille d’accueil le
mercredi ainsi qu’une partie des vacances scolaires.
Les premiers temps de l’accueil, l’AF découvre une petite fille très
agréable, câline et sans problèmes particuliers. Parallèlement, la scolarité
connaît une évolution très favorable au point où il n’est plus question
d’orientation en établissement spécialisé.
Célestine se développe normalement même si, aux dires de la mère, les
problèmes de comportement à la maison persistent. En effet, Célestine
« désobéit » et les parents se sentent régulièrement débordés dans leurs
capacités éducatives. Les punitions souvent disproportionnées ne suffisent
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pas à la limiter. Au contraire dans la famille d’accueil « tout se passe
bien ».
Face à cette situation familiale précaire, une aide éducative finit par se
mettre en place difficilement.
L’accueil se poursuit maintenant depuis plusieurs années et semble avoir
apporté à Célestine un équilibre environnemental grâce à la qualité des
relations établies d’une façon durable avec la famille d’accueil et au
maintien du lien avec sa famille.
Cet accueil pourrait encore durer des années mais son évolution nous
autorisent à réfléchir à d’autres modalités de prise en charge. Célestine a
actuellement 11 ans et l’annonce faite il y a presque un an de la fin de
l’accueil officiel chez Mme G permet de commencer à réfléchir à un
nouveau projet. La mise en place récente d’une prise en charge individuelle
au CMP s’inscrit dans cette perspective.
Situation de Luc :
Luc est un grand enfant de 10 ans originaire d’Afrique centrale. Son
père est décédé alors qu’il était tout petit.
Il présente un autisme infantile précoce type Kanner avec absence de
langage et apparition de troubles du comportement de type hétéro-
agressif dans le cadre de sa prise en charge au centre de jour.
Suivi depuis janvier 2003 à raison de 4 demi-journées par semaine, le
soin de cet enfant s’est avéré progressivement extrêmement complexe et
de plus en plus difficile. Avec Luc, la communication a toujours été très
restreinte, Luc n’utilisant aucun mot. Ses capacités de compréhension,
même très limitées, lui avaient permis de prendre part à certaines
activités de groupe et d’interagir avec les soignants dans une recherche de
contact.
Dans sa demande, l’équipe de soin nous précise que le travail du centre
de jour n’a pas pu être particularisé pour cet enfant présentant des
troubles aussi spécifiques. Ce dispositif centré sur les médiations et la
recherche d’émergences relationnelles n’a malheureusement pas permis de
l’aider dans sa structuration.
En lieu et place de progrès cliniques, ce sont des troubles du
comportement qui se sont développés : irruption de violence énigmatique,
conduites dangereuses à l’égard des soignants comme des enfants,
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manifestations qui ont conduit le médecin responsable à suspendre le soin
au centre de jour.
Selon sa mère, il ne se montrerait pas violent à la maison. Il semblerait
plus à même de se contenir physiquement en sa présence. Toutefois, La
naissance d’une petite sœur en 2005, semble être à l’origine de moments
de tension à la maison. Il se met par exemple à frapper le sol de la main de
façon brusque ou jeter violemment un objet au sol.
L’objectif de l’AFT serait de permettre pour l’équipe de soin un travail
de séparation mère / enfant en vue de faciliter une orientation spécialisée
avec internat.
En ce sens, un accueil dans notre service constituerait selon l’indication
posée un ailleurs autre que la garderie, prémisse d’une séparation pour
orientation.
La mère serait favorable à cet accueil même si elle reste convaincue
qu’aucun lieu ne peut tenir pour son fils.
Même si le sens d’un AFT apparaît difficile à penser d’emblée, outre le
fait de la nécessité de travailler la séparation, la mise en place de cet
accueil chez l’une des familles d’accueil du RAFT est envisagé dans un
premier temps sur une durée d’une heure trente par semaine.
Le travail avec l’assistante familiale montre pendant les premières
semaines un travail d’apprivoisement réciproque qui permet
progressivement à Luc de se poser, de se détendre. Le respect d’une
certaine distance physique apparaît à ce moment-là nécessaire pour
désamorcer la violence de Luc. Puis, des rituels s’installent. Il a l’habitude
par exemple de s’allonger sur le canapé en arrivant. Un contact corporel
s’établit par l’intermédiaire de massages. De la musique douce accompagne
de temps à autres ces échanges. Parfois même il se laisse aller à
s’endormir. Ces derniers temps il commence à explorer la maison, à se
regarder dans un miroir.
Nous apprendrons au cours d’une synthèse, que la situation au premier
abord très critique de Luc est devenue plus stable et apaisée. La mère
trouve que son fils va un petit peu mieux.
Nous ne savons pas au jour d’aujourd’hui comment évoluera l’accueil de
Luc, mais il semble que cette expérience d’accueil atypique, en plus de
constituer une issue, un ailleurs dans la façon d’aborder et de penser cette
situation, aura permis de transformer pour la mère, pour l’équipe de soin
et pour l’assistante familiale, l’investissement de cet enfant peut-être à
travers l’émergence d’un regard humanisant.
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Il faut reconnaître que dans notre projet initial nous ne pensions pas accueillir
ce type d’enfant, ce qui révèle une utilisation somme toute assez spécifique de
notre service. Cependant, nous avons pu être surpris, à maintes reprises des
effets thérapeutiques impliqués par ce changement de cadre, nous renvoyant
ainsi aux fondements même de notre projet.
Comment un enfant vécu comme épuisant pour les soignants d’un centre de
jour peut-il se comporter parfois très différemment chez la famille d’accueil ?
Gardons-nous pour autant d’y voir un effet magique « famille d’accueil ». Car si
l’AFT n’est rien sans la famille d’accueil, l’AFT déborde largement l’espace de la
famille d’accueil. Ces observations doivent nous interroger sur les enjeux
thérapeutiques d’un tel dispositif.
Plutôt que de parler d’indication par « défaut », ce qui peut être pensé comme
à défaut d’autres choses ou qui ne répond pas de façon spécifique à la situation,
nous pourrions parler pour les deux situations que nous avons évoquées
d’indications « limites », c'est-à-dire à la limite du cadre des indications inscrit
dans notre projet. Nous aurions pu tout aussi bien considérer ces demandes
comme ne répondant pas aux objectifs fixés dans notre projet.
Comment penser l’accueil d’un enfant dont le soin principal a été suspendu ou
encore quel sens un accueil peut-il avoir lorsqu’il semble répondre, en premier
lieu, aux difficultés des parents ? Au regard de l’évolution de ces deux types
d’accueil, nous avons à nous interroger sur les conditions qui peuvent rendre ces
accueils thérapeutiques.
La pluralité des intervenants, le temps passé à penser le projet d’accueil avec
les équipes de soins et avec l’assistante familiale pressentie, le temps consacré
par les équipes de soin pour travailler la demande avec les familles sont autant
de facteurs qui, combinés entre eux, renouvellent le regard que chacun porte sur
l’enfant. En ce sens, la mise en place effective du cadre d’accueil est déjà le
résultat de tout un travail de pensée qui entoure l’accueil.
C’est dire que l’introduction de ce nouveau dispositif dans l’ensemble du
dispositif de soin n’est pas un simple complément à ce qui est déjà mis en place.
Le projet d’accueil va en réalité mobiliser l’ensemble des acteurs et modifier le
rôle de chacun auprès de l’enfant. L’AFT n’étant pas une fin en soi, la mise en
place de l’accueil sera aussi l’occasion de repenser le projet de l’enfant à plus
long terme.
Ainsi, la mise en place du cadre d’accueil marque concrètement, par
l’organisation d’un nouveau maillage autour de l’enfant, l’émergence d’un nouvel
environnement de pensée, d’un autre regard porté sur l’enfant. C’est cet
ensemble et la multiplicité des liens qui le composent dans la durée qui nous
semblent être à l’origine de ce qui est thérapeutique dans l’AFT.
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Ces éléments nous amènent à penser le fonctionnement de notre service
comme un dispositif complexe susceptible de tenir ensemble différents niveaux
de réalité hétérogènes :
- A savoir d’une part, l’axe de la demande et de l’indication porté par les
équipes de soin et qui suppose d’être tenu pendant toute la durée de l’accueil.
- D’autre part, l’axe concernant davantage le vécu de l’accueil, incarné par les
assistantes familiales et qui trouvera un sens spécifique notamment dans le
travail de supervision.
- En dernier lieu, un axe institutionnel, c'est-à-dire un axe qui différencie
pour mieux articuler ces deux niveaux de réalité.
Cette fonction de tiers et de garant du cadre s’illustre dans le dispositif par
le fait que tout changement au niveau des modalités de l’accueil (à la demande
des familles, des assistantes familiales, des équipes de soins ou même à
l’occasion, des chauffeurs de taxi) doit faire l’objet d’une demande au service,
ceci dans le but de protéger le cadre de l’accueil en assurant sa valeur
thérapeutique.
En pratique, on s’aperçoit que cette exigence n’est jamais acquise une fois
pour toute et doit faire l’objet de rappels réguliers pour défendre et garantir le
sens thérapeutique de l’accueil familial pour tous les acteurs engagés dans le
soin.
Par ailleurs, l’organisation de synthèses régulières constitue un moment fort
de l’accueil et du soin. Il permet de réunir ces différents niveaux de
fonctionnement en les dialectisant entre eux et de ressaisir pour chacun le
projet de l’enfant. Le temps de la synthèse sera en ce sens un temps
d’appropriation collective de la situation de l’enfant et de son devenir.
3 VERS UNE SPECIFICITE DE L’INDICATION D’AFT :
D’un point de vue général, nous pouvons avancer que le caractère « positif » ou
« par défaut » de l’indication dépend, pour une large part, du sens que chacun
attribuera à l’AFT pour un enfant et à un moment donné. Il dépend aussi des
effets de transformations observées chez l’enfant dans son environnement au
cours de l’accueil. Mais attention, une bonne indication insuffisamment portée
peut générer parfois plus de difficultés qu’une indication « limite » qui pourra
être travaillée.
Même si certaines indications nous apparaissent spécifiques au regard de
notre expérience et des moyens que nous pouvons mettre à disposition, le travail
de l’indication et l’évaluation de sa pertinence tout au long de l’accueil doit nous
faire relativiser l’opposition indication « positive » / indication « par défaut ».
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Néanmoins, l’expérience de ces huit années nous permet aujourd’hui d’affiner et
de dégager certains aspects spécifiques de l’indication d’AFT en pédo-
psychiatrie :
Si l’indication générale concerne les enfants pour qui l’expérience de
séparation est susceptible de relancer le processus de développement, de
nombreuses demandes concernent des enfants autistes ou TED sortant des
hôpitaux de jour et en attente de relais sur le secteur médico-social. Pour ces
situations l’AFT peut être investi dans une fonction d’intermédiaire
potentiellement transitionnelle permettant d’expérimenter la séparation avec la
famille avant de l’envisager sous une forme plus complète à travers l’orientation
en établissement médico-éducatif. Ce type de projet permet en outre de
soutenir et de relancer le soin tout en soulageant les parents souvent épuisés.
Si l’accueil ne permet pas toujours la mise en évidence de changements
importants, il peut trouver un sens minimal dans le maintien des acquisitions et
des capacités de l’enfant. Autrement dit, ce dispositif maintiendrait un niveau
d’interaction et de stimulation permettant d’éviter le risque d’une régression
trop importante ou d’une fixation à un fonctionnement pathologique invalidant.
En revanche, et c’est ce que met en perspective l’accueil de Célestine, les
carences affectives liés à des dysfonctionnements familiaux peuvent être
largement compensées. L’accueil peut s’inscrire ici non pas comme alternative à
l’hospitalisation mais comme alternative à un placement, lequel comporterait un
risque de rupture avec le soin et pouvant être vécu par l’enfant comme un
abandon.
Sans être pour autant des indications spécifiques, les enfants agités, ayant
des troubles du comportement ou ne supportant pas les situations de groupe,
peuvent bénéficier grâce à l’AFT, d’un cadre contenant et sécure au sein duquel
ils pourront expérimenter une relation duelle parfois exclusive mais souvent
structurante.
Dans tous les cas, l’accueil proposé est un accueil séquentiel, organisé sur
mesure et pouvant comprendre éventuellement, en fonction des disponibilités
des familles d’accueil, des repas et des nuits.
L’accueil séquentiel introduit un rythme spécifique pour l’enfant et assure un
cadre de travail permettant à l’assistante maternelle d’être particulièrement
disponible pendant toute la durée de l’accueil, ce qui est plus difficile pour un
accueil à plein temps. L’accueil séquentiel marque de façon suffisamment
régulière, dans son dispositif même, l’enjeu thérapeutique de la séparation.
Enfin, la multiplicité des séquences qui ne répond pas toujours aux demandes
des familles permet de distinguer l’AFT d’une simple garde d’enfant.
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En conclusion, nous pouvons penser que le montage proposé, au-delà d’une
simple mise en adéquation des demandes des équipes de soin avec les moyens
d’accueils dont nous disposons, tend surtout à prendre en compte la spécificité
des troubles de l’enfant mais aussi celle du contexte social, familial, scolaire
dans lequel l’enfant évolue.
Malgré le caractère polymorphe et parfois peu élaboré de certaines demandes
qui nous sont adressés, nous avons voulu montrer comment certaines indications
« par défaut » peuvent à l’occasion des rencontres préalables à la mise en place
de l’accueil ou au cours des synthèses organisées pendant l’accueil être ressaisies
et envisagées de façon spécifique.
C’est ce qu’on peut appeler le travail de l’indication lequel se poursuivra tout au
long de l’accueil.
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