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8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 1
C. Martin, F. Renard et P. Henin (CMP Yerres) : Quel soin possible pour un patient accueilli pris dans la
rivalité famille d’accueil famille d’origine ?
C. Martin,
Infirmière, CMP Yerres
F. Renard,
Infirmière, CMP Yerres
P. Henin,
Infirmière, CMP Yerres
« Quel soin possible pour un patient accueilli
pris dans la rivalité famille d’accueil famille d’origine ? »
INTRODUCTION
Nous avons choisi de vous raconter une histoire, une de celles que vous
connaissez, c’est une histoire de rencontres peu probables, souvent compliquées,
mais si personne n’y croyait nous ne serions pas là.
Je vous parlais donc d’une belle histoire pleine de suspens, de doutes, de joies
aussi, mais surtout pleine de surprises.
Nous sommes là, équipe d’AFT, réunie dans ce bureau à attendre Léon, notre
héros principal, dont j’allais dire, dont je pensais qu’il était unique. Mais non, s’il
est unique pour nous dans ce projet que nous avons imaginé pour lui et auquel
nous cherchons à le faire adhérer, il est partie prenante de cette, histoire qui va
se jouer à trois, le symbolique oblige ; l’accueillante familiale, l’équipe d’AFT et
Léon. Et bien sûr nous avions oublié, perdu, ignoré, le quatrième acteur dont nous
passerions volontiers mais qui lui s’est rappelé à nous, compliquant les choses à
souhait, et nous rappelant à la même occasion que si les choses étaient si simples,
si la mer était toujours verte, et le ciel toujours bleu, nous ne serions pas là, et
on n’aurait même pas besoin de nous
Léon est donc un amalgame de plusieurs personnages et un patchwork de
différentes histoires grâce auxquelles nous allons essayer de partager notre
expérience toute nouvelle sur les interactions dont nous nous serions bien
passées entre la famille d’accueil, la famille d’origine et nous, arbitres de touche.
Trois coups. Le rideau se lève. Léon rentre en scène.
_ « Bonjour Léon, nous nous rencontrons aujourd’hui pour vous parler de l’AFT.
C’est un lieu de soin comme d’autres que vous connaissez déjà. »
_ « comment ? Oh non Léon, bien sûr que ça ne remplacera pas vos parents.
Dans un premier temps nous vous présenterons l’accueillante familiale. Par la
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rivalité famille d’accueil famille d’origine ?
suite, vous visiterez la maison et ferez connaissance avec la le reste de la
famille
Oui, oui elle a des enfants à peu près de votre âge
Et puis vous ferez des essais à votre rythme. Surtout sachez bien qu’à tout
moment vous pouvez dire stop et l’accueillante aussi si les choses ne se passent
pas bien.
Ensuite Léon, nous verrons au fur et à mesure, nous ferons le point toutes les
semaines »
L’aventure a débuté. Léon s’est très vite adapté à sa nouvelle vie. Il a commencé
petit à petit à se reconstruire à travers ces petits riens qui parsèment le
quotidien.
Il est beaucoup moins angoissé, moins marqué même physiquement. Le
changement s’opère. Il voit régulièrement ses parents pour des week-ends ou des
petits séjours. Et là souvent les choses se gâtent
Discours de l’accueillante thérapeutique
Je passe beaucoup de temps à essayer d’apprendre les bases d’une éducation que
ses parents n’ont pas réussi à lui inculquer, il y a du travail !
Lui apprendre à prendre soin de lui, se laver, s’habiller, se coiffer, s’occuper de
sa chambre, de son linge etc
Il faut rabâcher comme à un enfant !
Je passe des heures avec patience dans les magasins pour aider Léon à choisir
des vêtements et des chaussures qui conviennent à sa taille et à son goût. Tout
ça pour les voir disparaître au retour d’une visite chez ses parents qui trouvent
que c’est inadapté pour lui à cause de ses problèmes de pied. Quel problème de
pied ? Il marche très bien chez moi Ils ne peuvent pas le laisser tranquille !
C’est moi qui ai les difficultés à gérer à son retour, pas eux.
Je ne sais pas ce qu’ils racontent à Léon, mais ça ne lui réussi pas ! Comme si je
ne connaissais pas mon métier !
Ils n’ont déjà pas réussi à l’éduquer enfant, c’est un peu tard maintenant ! En plus
il a grossi en quelques jours, ils l’ont gavé ou quoi ? Non seulement ils critiquent
ses choix de vêtements, mais ils ne trouvent pas autre chose à faire que de
l’appeler tous les jours pour au final le perturber.
Je ramasse les morceaux moi derrière Que peuvent-ils bien lui dire ? Je suis
obligée de gérer son portable en ne lui donnant qu’un jour par semaine, après
avoir pris l’avis de l’équipe d’AFT. Mais Léon a du mal à comprendre pourquoi.
J’accompagne Léon chaque semaine le vendredi chercher son argent à la banque
et je veille avec lui à ce qu’il ne dépense pas tout d’un coup d’autant qu’il a
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tendance à aller s’acheter de l’alcool et de boire plus qu’il n’en faut. Ça le rend
malade à chaque fois. Je suis très vigilante au quotidien. Il ne boit pas d’alcool à
la maison et ses parents à chaque visite lui offrent l’apéritif et le laissent boire à
table et acheter des flashs d’alcool fort qu’il garde dans sa chambre là-bas. Ils
le laissent s’alcooliser pour ne pas le contrarier. Il va falloir que j’en parle à
l’équipe d’AFT pour arriver à régler ce problème. On ne va pas s’en sortir sinon !
Il est mis en danger car il peut tomber dans la rue. Ça lui est déjà arrivé ! Je
crois que ses parents ne s’en rendent pas compte. Je m’inquiète pour lui moi !
Pourtant ils ont l’air de vouloir l’aider.
Ils nous prêtent leur maison familiale en Bretagne pour passer des vacances. Ça
permet à Léon de retrouver ses racines et de revoir sa famille car ses parents
ne lui proposent pas d’aller avec eux, ils ont un peu honte
Léon préfère y aller avec moi On arrive à s’entendre, c’est bien pour tout le
monde. Ça me fait plaisir qu’ils me fassent confiance. On est moins dans la
rivalité. On dirait qu’ils ont peur que je leur vole leur « enfant ». Ils se sentent
peut-être coupables de ne pas y arriver avec Léon
Est-ce pour avoir l’impression de le garder un peu pour eux qu’ils refusent que
Léon ait son adresse de domiciliation chez nous ? Ça serait tellement plus simple
pour tout le monde au niveau administratif. Ça éviterait de quémander
régulièrement à ses parents tel ou tel papier qu’ils conservent précieusement
comme « un bout de leur enfant ». il faut ruser en permanence pour obtenir
rapidement un document, pris entre l’angoisse de Léon qui n’ose pas réclamer à
ses parents et celle de devenir indépendant d’eux. Ils ne veulent pas que je
l’amène à la poste pour modifier sa domiciliation. Quitter le logement de ses
parents complètement est un déchirement pour lui ou ses parents ?
Discours de la famille d’origine
Aujourd’hui, j’ai rencontré un médecin, des infirmières et je ne sais plus qui
semblait savoir mieux que moi ce qu’il fallait faire avec Léon. Et en plus, il faut
que je passe par l’équipe pour pouvoir voir mon fils, et bien je ne le prendrais que
quand ça m’arrangera. Ce week-end, il est chez nous et bien sûr il faut que j’aille
lui acheter des chaussures, elle n’a toujours pas compris qu’il a besoin de
chaussures qui tiennent bien la cheville de mon Léon, sinon il boite. Je n’ai plus
qu’à jeter celles qu’il avait aux pieds. Et puis il a encore maigri et il a très
mauvaise mine mon Léon. Comment s’en occupe-t-elle ? Selon le médecin, je dois
la laisser faire et si je ne suis pas contente je n’ai qu’à le récupérer. Ils ne se
rendent pas compte que je suis fatiguée. On a le droit de profiter enfin de notre
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retraite ! J’en ai bien assez fait pour lui ! Et puis je ne peux même pas l’appeler
quand je veux ! Elle lui retire son portable et ne lui donne qu’une fois par
semaine, soit disant que je l’appelle trop et que ça le perturbe et l’angoisse. Sans
parler du fait que l’équipe ne veut pas me donner les coordonnées de la famille
qui l’accueille, comme si j’allais m’imposer et débarquer chez eux. Et s’il arrivait
malheur, comment pourrais je le prévenir mon pauvre Léon. Puisque c’est comme
ça, je vais suivre leur voiture lorsqu’ils viendront au CMP et je verrai où il habite
mon Léon. Ce que j’ai fait.
Mais alors là, ça a été le drame, aussitôt elle a téléphoné au CMP pour signaler
ma présence chez eux alors que je voulais juste lui apporter sa carte de
mutuelle ! Et puis je n’avais pas le choix, puisque les infirmières ne veulent plus
lui transmettre les colis que je déposais pour Léon au CMP, elles attendaient
plusieurs jours et les bananes et les clémentines que j’y mettais étaient trop
mûres. Franchement, ces infirmières elles pourraient lui apporter ces colis le
jour où je les dépose ! Il doit avoir faim mon Léon ! Ils ne savent pas qu’il aime
manger des fruits vers dix heures le matin pour ne pas avoir son coup de fatigue.
Qu’est-ce que ça veut dire ? Je suis obligée de le faire moi-même. Au moins, je
sais où il habite, ça va, c’est une belle maison et le secteur est calme. Même si ce
n’est pas aussi bien que chez nous il doit avoir la vie dure là-bas ; il est obligé
de faire son lit, entretenir sa chambre, mettre la table, faire la vaisselle,
apprendre à faire à manger. Il est si fragile mon Léon. Ils ne peuvent pas le
laisser se reposer un peu ? Il me fait de la peine quand je le vois, il a l’air triste
d’être loin de chez nous si longtemps. Et en plus ils veulent que son adresse soit
chez eux. Non mais ça ne va pas ! Sa maison c’est ici. Qu’est-ce que ça veut dire ?
il en est hors de question. Il ne peut pas se débrouiller tout seul pour ses
papiers, heureusement que je suis là pour m’en occuper
CONCLUSION
L’histoire n’est pas terminée. L’aventure se poursuit avec des hauts et des bas,
des avancées inattendues et des échecs récurrents, mais nous sommes bien
obligés de tenir compte de tous les protagonistes de l’histoire. En effet, si la
partition se joue à trois entre :
-Le patient, pris dans son histoire, sa souffrance, ses attentes.
-La famille d’accueil dans sa composition, son environnement socio-économique,
son histoire, et son évolution propre, car elle aussi elle change.
-L’équipe soignante porteuse d’un projet de soin réactualisé sans arrêt.
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C. Martin, F. Renard et P. Henin (CMP Yerres) : Quel soin possible pour un patient accueilli pris dans la
rivalité famille d’accueil famille d’origine ?
Comment faire avec la famille d’origine souvent maltraitante et la nouvelle dont
la fonction n’est pas de remplacer celle d’origine ni de combler le patient mais de
l’accueillir dans un monde de parole et d’affect, dont la fonction est d’être
thérapeutique sans céder à la facilité de désigner la famille responsable de tous
les maux.
Nous avons voulu partager cette histoire avec vous sachant qu’il n’y a bien sûr ni
recette, ni baguette magique. Et pourtant .
Si toutefois notre histoire vous est quelque peu familière, si vous avez des idées
ou des conseils, nous sommes à l’écoute
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