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Annulation du Congrès 2020 du GREPFA-France

Annulation des journées de formation du GREPFA-France de juin 2020

La situation sanitaire que nous avons traversé nous a contraint à devoir annuler les journées de formation des 11 et 12 juin 2020 à Paris.

Sans possibilité de trouver des dates satisfaisantes de report avant la fin de cette année, le comité d'organisation a définitivement entériné l'annulation de ces journées.

Nous vous informerons de la suite de nos activités dès que nous le pourrons.

D'ici là, vous pouvez continuer à consulter les actes des précédentes journées compilés sur notre site (colonne de gauche). Celui-ci avait rencontré des soucis d'accès, nous empêchant de l'actualiser pendant plusieurs mois: c'est finalement rétabli ! Veuillez nous excuser de ce silence bien involontaire et de ce désagrément.

Nous vous adressons plein d'énergie et d'enthousiasme pour la poursuite/reprise de vos activités auprès des personnes accueillies, des accueillants et assistants familiaux, ainsi que de l'ensemble des professionnels (soignants ou non) de l'Accueil Familial.

Bien amicalement.

L'équipe du GREPFA-France

Congrès Paris 2018

Actes des 13èmes Journées de Formation du GREPFA France

CLIQUER dans Actes des Congrès (à gauche ;)) sur Congrès 2018 à Paris

qui se sont tenues les Jeudi 7 et vendredi 8 juin 2018 à Paris

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Si le lien ne fonctionne pas, contactez le webmestre pour l'en informer.

Déplier Fermer  Congrès 2008 à PARIS

8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 juin 2008) 1 

D. GORANS « Létrange place à trois temps ! » 

 1 

Dr Daniel GORANS, 

Psychiatre, Nantes 

« L’étrange place à trois temps » 

Je ne sais si l'histoire qui suit relève de ma folie ou de celle de 

toutes les personnes de bonne volonté qui ont voulu m'en extraire. 

J'espère que les sages appelés à la lire ou à l’entendre pourront 

m’aider à y voir plus clair. 

Pour faire court, je suis né il y a un peu moins de trois siècles sans 

pour autant paraître mon âge. Qui plus est, je n'habite pas 

aujourd'hui dans le pays de ma naissance mais n'ai aucun souvenir 

d'avoir voyagé par la route, les mers ou les airs. 

Je réponds au prénom de Robin et puis me remémorer ce qu'il 

advint de moi dès l'âge de quatre ans. À l'époque, mes parent de 

naissance étaient fort occupés à servir de la bière à leurs nombreux 

clients dans le modeste estaminet situé non loin des docks de 

« Three Cranes », près de la berge nord de la Tamise, au cœur de 

Londres. 

À ce que m'a conté mon père, lorsque, devenu plus grand, j'allais le 

visiter à la prison de Newgate, je fus le quatrième enfant à naître à 

la maison. Par chance ou par malchance, les trois aînés, un garçon et 

deux filles, décédèrent peu après leur naissance. De ce fait, ma 

naissance était davantage redoutée que souhaitée. Je fus donc laissé 

à moi-même dès mes premiers jours d’existence dans un petit réduit 

sombre, juste au-dessus de la salle principale de l’estaminet. Une 

servante venait de temps en temps, lorsque ses nombreuses tâches le 

lui permettaient, me donner un sein dont je me dépêchais de tirer le 

maximum vu le peu de temps qu'elle me consacrait. Il paraît d'ailleurs 

que je me faisais facilement oublier, ayant peu recours aux cris et 

pleurs pour attirer l'attention. Je crois que j'avais déjà compris que 

cela n'était pas d'un grand usage : le vacarme qui régnait dans 

l’estaminet n'aurait permis à personne de s'en apercevoir. Ma mère 

ne prenait point soin de moi, préférant trinquer fort tard avec les 

8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 juin 2008) 2 

D. GORANS « Létrange place à trois temps ! » 

 2 

derniers clients puis compter l'argent amassé dans la journée. 

Toujours d'après ce que mon père m'a conté, le seul moment où je 

recevais des soins d’elle était le matin lorsqu'elle changeait mon lange 

et faisait le plus vite possible ma toilette.  

Mes parents se querellaient souvent, surtout lorsqu'ils étaient pris 

de boisson. Il leur arrivait de se disputer à mon propos. Mon père m'a 

affirmé qu'il exprimait le souhait de voir ma mère s'occuper 

davantage de moi. J’étais en effet le seul héritier de leur lignée. Il 

espérait aussi que cela éloignerait sa femme des hommes parfois trop 

entreprenants et bien faits de leur personne avec qui elle aimait 

trinquer. Un soir, il y eut une querelle de trop et dans la bousculade, 

ma mère chut en arrière. Sa tête heurta violemment une table. C'est 

ainsi qu'elle mourut et que mon père fut condamné à être emprisonné 

à Newgate. 

Au moment de prononcer le jugement, le Coroner s’émut de mon 

sort. Il demanda à l'un de ses amis, le docteur Whiteless, réputé 

pour les soins qu'il apportait aux enfants, de se préoccuper de mon 

devenir. C'est ainsi que je fus confié, un beau jour de juin 1719, alors 

que j'étais dans ma quatrième année, à la famille Burton1. J’y restai 

jusqu’à l’âge de onze ans. 

À mon arrivée, Mme Burton m'a raconté que je ne pipais mot et que 

j’évitais son regard. Elle fut très surprise de ne jamais m'entendre 

pleurer. J'étais chétif et elle dut suivre attentivement les 

recommandations du docteur Whiteless sur la manière de me nourrir. 

Il paraît aussi que je  dormais fort peu la nuit et lorsqu'elle se levait 

pour me voir, la lueur de la bougie qu'elle tenait à la main lui révélait 

que j'avais le plus souvent les yeux grands ouverts, tournés vers le 

plafond ou bien que je me balançais assis sans bruit. Elle était fort 

désemparée et interrogeait le plus souvent possible le Docteur 

Whiteless à mon propos. Non qu’elle fut inexpérimentée dans 

l’élevage des enfants (elle était mère de trois garçons dont le plus 

jeune avait dix ans et avait accueilli juste avant moi un garçon de huit 

ans), mais rien dans mon comportement ne lui permettait de s'ajuster 

                                                   

1 

 Cf. « Lettres inédites du fils de Gulliver » 

8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 juin 2008) 3 

D. GORANS « Létrange place à trois temps ! » 

 3 

à mes besoins. Le docteur Whiteless lui prodiguait ses 

encouragements et son soutien. Il lui conseilla de me parler comme si 

elle imaginait que je puisse comprendre. Elle devait expliquer tout ce 

qui se passait autour de moi et inciter son mari et ses enfants à faire 

de même. Malgré les embarras des rues et ruelles de Londres, elle 

devait m'emmener promener le plus souvent possible et me 

permettre de croiser des enfants de mon âge. Elle était incitée à me 

proposer le plus grand nombre possible d’expériences pour stimuler 

mes sens et me donner de bonnes habitudes.  Il m'arrivait aussi 

d'avoir de spectaculaires crises de colère au cours desquelles je me 

frappais et me mordais. Mme Burton avait trouvé elle-même un 

étonnant moyen de m’apaiser : elle s’asseyait non loin de moi et 

psalmodiait sans se lasser comptines et ritournelles. J'eus d'ailleurs 

vite fait de les retenir et d'en fredonner les mélodies lorsqu'elle 

commençait à me les chanter. C'est ainsi que petit à petit, mes 

violentes colères disparurent. De plus je me mis à répéter les paroles 

contenues dans ces petites chansons et commençai par là même à 

m'intéresser aux échanges à l'aide de mots. Au début, lorsque je 

tenais mes premiers propos, je ne regardais jamais la personne à qui 

ils étaient adressés. Mme Burton dit avoir eu parfois l'étrange 

impression que si par hasard mon regard se posait sur son visage, il le 

transperçait. Son solide bon sens, ses soins assidus relayés parfois 

par ceux de son mari eurent petit à petit raison de toutes mes 

difficultés. Il me souvient de quelques étonnantes rencontres : celle 

de la famille Gulliver et celle d'un étrange M. Swift. Lorsque j’eus 

recouvré suffisamment d'entendement, je fus autorisé à rendre 

visite à mon père, toujours emprisonné. Je me rendis deux fois à 

Newgate. Juste avant la dernière visite, le fils de M. Gulliver m'a 

adressé une lettre dans laquelle il se posait la question de savoir s'il 

valait mieux être en prison ou dans un hospice. Madame Burton m’a 

indiqué que Jack Edward, dont elle s’était occupée avant moi, était un 

garçon tourmenté. Je n’ai à ce jour encore pas compris pourquoi il 

m’interrogeait à ce sujet. 

Le dernier souvenir qui me reste de cette période est celui d'un 

dîner chez M. Swift. Je venais d'avoir onze ans et il souhaitait me 

8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 juin 2008) 4 

D. GORANS « Létrange place à trois temps ! » 

 4 

présenter à l'un de ses visiteurs, M. Voltaire, pour vanter les effets 

presque miraculeux des soins prodigués à mon égard par la famille 

Burton et défendre l’idée que d’autres enfants à l’esprit troublé 

pourraient bénéficier du même type de soins dans divers pays 

d’Europe. La discussion allait bon train et messieurs Swift et Voltaire 

citaient souvent les idées d’un certain Monsieur Locke2 qui, selon eux, 

permettaient d’expliquer mes surprenants progrès : tout ce que 

j’aurais acquis résulterait des expériences et  habitudes découvertes 

auprès de la famille Burton. Le Docteur Whiteless, parmi les 

convives, était le plus enthousiaste à soutenir leur point de vue. Tout 

à coup un garçon dans mes âges s’est approché de moi et m’a demandé 

de le suivre. Il m’a dit s’appeler Kevin. Deux adultes, dont la petite 

taille les faisait sembler difformes, nous attendaient dans une pièce 

voisine, une carte de l’univers à la main3. Ils m’entraînèrent vers ce 

qui semblait être une porte. Je crois avoir alors perdu connaissance… 

Je me réveillai seul, en pleine nuit, égaré dans une forêt dense. Des 

bruits étranges, des cris sauvages me firent trembler de peur. Je me 

réfugiai comme je pus dans un arbre pour attendre le lever du jour… 

Je vécus en me cachant dans cette forêt ce qui me sembla une 

éternité. J’y aperçus nombre animaux sauvages, petits et gros, dont 

je sais aujourd’hui les noms : loups, daims, cerfs, sangliers, lièvres, 

hiboux… J’apercevais aussi des humains mais ne comprenant rien à 

leur langage, je m’en dissimulais, perché dans les hautes branches des 

arbres. Je les entendais venir de loin, car ils étaient le plus souvent 

précédés par le jappement de leurs chiens. Il y avait aussi des bruits 

effrayants : coups de cognée pour abattre des arbres et, plus 

violents encore, coups de feu pour tuer des animaux. Je me 

nourrissais comme je pouvais, suivant mon instinct. Je désappris à 

parler. J’abandonnais petit à petit mes vêtements au fur et à mesure 

qu’ils se transformaient en guenilles. 

Un jour, un chasseur isolé qui s’était approché sans bruit, 

m’aperçut avant que je me rende compte de sa présence. Tandis que 

                                                   

2 

 John Locke, philosophe anglais (1632-1704), tenant de la théorie sensualiste, en rupture avec les théories 

innéistes 

3 

 cf. le film « Bandits bandits » de Terry Gilliam, 1982  

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D. GORANS « Létrange place à trois temps ! » 

 5 

j’escaladais le plus vite possible le premier tronc venu, il s’accroupit 

au pied de l’arbre et m’appela dans ce langage incompréhensible que 

j’avais déjà entendu de la bouche des bûcherons et des chasseurs. 

Perché, j’attendis qu’il parte, ce qu’il finit par faire. Il revint avec 

plusieurs compagnons et des chiens. La battue permit de me localiser, 

puis de m’attraper. 

Je fus conduit au village le plus proche, ce qui prit plusieurs heures 

tant la forêt était vaste et épaisse. Les villageois me confièrent au 

curé. Il s’enferma avec moi pour que je ne me puisse sauver. Je me 

terrai dans un coin de la pièce, poussant des grognements dont 

j’espérais qu’ils l’effraieraient. Il m’observait tout en me parlant. Sa 

voix était suave. L’on m’a raconté bien plus tard qu’il avait tenté en 

vain plusieurs langues : le français, le latin, le grec puis l’arabe dont il 

possédait quelques rudiments. Après plusieurs semaines au cours 

desquelles je reçus de nombreuses visites, je devins un peu moins 

méfiant et acceptai la nourriture qu’on me déposait dans une écuelle. 

Je repris l’habitude de faire mes besoins dans un seau et finis par 

accepter de me vêtir sommairement lorsqu’il y avait des visiteurs. 

L’on décida alors de me conduire à la capitale pour y rencontrer un 

spécialiste renommé : le docteur Itard. Je compris après que je me 

trouvais en France, en 1819. J’aurais donc dû être centenaire mais 

paraissais avoir une dizaine d’années. Le docteur Itard  décréta que 

j’étais bien atteint d’idiotisme et accepta de m’installer à l’Institut 

des Jeunes Sourds dont il assurait la responsabilité médicale. Je n’y 

séjournai que quelques semaines et rencontrai ce médecin tous les 

jours. Il mélangeait les stimulations de tous mes sens à une espèce de 

dressage pour que je développe un langage et des attitudes 

compatibles avec la vie en société. La vitesse de mes progrès le fit 

changer d’avis. Il décida alors de me soumettre à l’examen de deux 

autres médecins, les docteurs Pinel et Esquirol. Les trois médecins 

étaient très étonnés de m’entendre prononcer les mots avec un fort 

accent anglais. Ils le furent bien davantage lorsque j’eus assez de 

vocabulaire pour leur conter mon histoire londonienne. Ils voulurent 

me forcer à dire que je l’inventais de toute pièce, mais je tenais bon 

et leur insistance provoquait larmes et colères. Tout ce que j’obtins 

8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 juin 2008) 6 

D. GORANS « Létrange place à trois temps ! » 

 6 

fut d’être nommé par mon prénom en lieu et place du « sauvage du 

Morvan » comme ils me désignaient jusqu’alors, du fait que l’on 

m’avait trouvé dans la forêt du Mont Beuvray. Le docteur Esquirol me 

déclara alors atteint de « folie raisonnante » et insista sur l’intérêt 

de m’envoyer respirer le bon air de la campagne. Il avait entendu 

parler d’une coutume ancienne et surprenante dans la ville de Gheel, 

proche d’Anvers, où depuis plusieurs siècles les insensés étaient 

confiés à des familles avec l’espoir qu’elles contribueraient un jour à 

la cure de leur folie. Il déclara à ses deux collègues son intention de 

s’y rendre pour voir par lui-même ce qu’il en était4. En attendant, le 

Docteur Itard décida de me confier à une famille de ses 

connaissances résidant près de Montmorency, Monsieur et Madame 

Bonnenfant, lointains parents de Madame Guérin. J’avais rencontré à 

plusieurs reprises, à l’initiative du Docteur Itard, Madame Guérin et 

Victor un jeune adulte au comportement plutôt bizarre. Lors de ces 

rencontres, le docteur nous observait attentivement en silence. Je 

n’appréciais pas Victor qui avait coutume de me saluer en me reniflant 

et en touchant divers endroits de mon corps. Madame Guérin veillait 

toujours à ce qu’il ne m’importune pas trop et je fus surpris de voir 

l’emprise qu’elle avait sur lui. Je compris bien, quelques temps après 

que le Docteur Itard pensait que nous souffrions des mêmes 

troubles, idée à laquelle il renonça par la suite. Le travail qu’il avait 

réalisé avec Victor et auquel la famille qui l’accueillait avait largement 

contribué les avait rendus célèbres.   

A Montmorency, je m’accoutumais à nouveau au bonheur de vivre.  

Mon langage se développa sans me faire oublier complètement ce que 

je savais d’Anglais. L’existence à la campagne me permit d’apprendre 

à nouveau en douceur les règles de la vie en famille, puis en société. 

Les Bonnenfant et leurs deux filles m’y aidèrent beaucoup. Mais dès 

la seconde année, je fus envahi par des sensations bizarres partout 

dans mon corps et surtout dans mon sexe, lequel se transformait bien 

malgré moi et me conduisait à y toucher sans cesse. C’était parfois 

très agréable. Dans le même temps je proposais le plus souvent 

                                                   

4 

  Ce qu’il fit en réalité en 1821 

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D. GORANS « Létrange place à trois temps ! » 

 7 

possible aux deux demoiselles Bonnenfant de s’occuper de mon 

superbe objet ou de me laisser jouer avec elles à nous toucher et 

nous caresser. Je fus très chagriné qu’elles s’en offusquent et que 

leurs parents me réprimandent vigoureusement. Ils me conduisirent 

chez le curé de l’église Saint Martin. Ses sermons et menaces 

infernales restèrent vains. Ils demandèrent conseil au Docteur Itard. 

Fort d’une expérience analogue avec Victor, il recommanda de me 

faire pratiquer chaque jour beaucoup de tâches épuisantes, de me 

donner des bains froids et, si cela demeurait insuffisant, de me faire 

absorber une potion apaisante. Je n’eus plus un instant à moi à partir 

de ce jour : je devais couper du bois, étriller les chevaux, nettoyer 

l’écurie, rassembler des pierres pour construire un mur, aider le 

métayer aux travaux des champs… Fort heureusement, il me restait 

la nuit pour m’occuper du centre de mon corps en rêvant aux 

demoiselles Bonnenfant. Cela dura jusqu’à ce que Jeannette, l’une des 

filles du métayer, à peine plus âgée que moi, soit prise des mêmes 

tourments et me propose secrètement de partir nous cacher 

ensemble dans la forêt de Montmorency pour voir si nous pouvions 

nous y aider l’un l’autre. Lassé de la manière dont me traitaient 

désormais les Bonnenfant et dont leurs merveilleuses demoiselles me 

battaient froid, j’acceptai. Nous disparûmes trois jours plus tard. 

J’avais acquis une solide expérience pour trouver des cachettes dans 

une forêt et nous échappâmes ainsi à toutes les recherches et 

battues entreprises. Dans le même temps nous apprîmes plusieurs 

façons très agréables de soulager mutuellement nos tourments. Un 

soir où nous avions mis une ardeur particulière à nous soulager, nous 

nous endormîmes à même le sol et fûmes réveillés au petit matin sans 

ménagement par trois hommes de la maréchaussée. Ils nous lièrent 

les mains et nous raccompagnèrent à Montmorency. J’y fus serré 

dans une geôle où je reçus plusieurs visites. La première fut celle de 

Madame et Monsieur Bonnenfant qui me firent savoir, nonobstant la 

vive affection qu’ils me portaient, leur regret de ne plus pouvoir 

m’accueillir chez eux tant il leur paraissait difficile de m’inculquer les 

bonnes manières et tant ils craignaient pour la vertu de leurs filles en 

raison de mon irrépressible attirance pour les conduites sauvages. 

8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 juin 2008) 8 

D. GORANS « Létrange place à trois temps ! » 

 8 

Puis vint le curé ; il me laissa entendre que je devais être possédé et 

promit d’intercéder auprès de l’évêque pour que je bénéficie de 

séances d’exorcisme. Le Docteur Itard lui succéda. Il me parla du 

poids probable de l’hérédité me rendant insensible aux efforts de la 

famille Bonnenfant pour contribuer à me sortir de la « folie 

raisonnante » dont je souffrais. Il m’annonça mon proche départ pour 

la Salpêtrière à Paris où le Docteur Esquirol prendrait soin de moi. 

Inutile de préciser qu’aucune de ces visites ne m’enchanta. Je pensais 

autant que possible à Jeannette dont j’étais sans nouvelle. Mes mains 

étaient le plus souvent entravées par des liens rendant impossible le 

moindre soulagement de mes tourments. Jour après jour, ma 

sauvagerie m’envahit à nouveau.    

Deux solides valets de ferme avec qui j’avais travaillé furent 

chargés de m’escorter dans la diligence qui desservait Montmorency 

pour Paris. A destination le Docteur Itard prit le relais pour me 

conduire à la Salpêtrière où il me recommanda à deux gardiens. Je 

fus impressionné par la taille des portes qui se refermèrent derrière 

moi. Je me sentais inquiet. Soudain, deux petits êtres au visage 

grimaçant jaillirent d’une porte latérale et firent des pitreries pour 

attirer l’attention des gardiens. Dans le même temps, à l’opposé, une 

petite voix m’appela doucement en anglais. Je reconnus Kevin et ses 

complices et n’hésitais pas une seconde à me précipiter à leur suite, 

puis perdis connaissance… 

Aussi incroyable que cela puisse paraître, je me suis réveillé sur le 

parvis de la gare de Lille Flandre, il y a tout juste deux ans. J’avais 

froid et faim, je me sentais sale. Mes vêtements me semblaient 

étroits. Ils étaient déchirés par endroits. Je percevais que mon 

corps avait changé, grandi et forci comme celui d’un adulte. Une 

femme en blouse blanche était penchée au dessus de moi et me 

parlait avec gentillesse. Elle me proposa, à ce que je compris, de la 

suivre à l’intérieur d’une grosse boîte montée sur des roues, dont le 

haut des parois était transparent. Je me sentais perdu. Sur le côté 

de la boîte, une inscription. Aujourd’hui, j’ai compris qu’il s’agissait 

d’un véhicule du S.A.M.U social. 

8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 juin 2008) 9 

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De fil en aiguille, j’ai été hospitalisé à l’E.P.S.M. Lille Métropole. Je 

suis soigné par un médecin psychiatre très aimable. Le seul point de 

désaccord entre nous est qu’il me considère atteint d’un délire 

chronique tant mon histoire le laisse incrédule. Il a lui aussi eu besoin 

de demander l’avis de plusieurs de ses éminents collègues. Ils m’ont 

expliqué la nécessité de prendre des médicaments, des N.A.P. 

nouvelle génération, que l’on fait rentrer dans la chair de mes fesses 

par une fine aiguille tous les quinze jours. Rien à voir avec le plaisir 

que je tirais de la façon dont Jeannette s’intéressait à cette partie 

de mon corps ! Le récit que j’ai fait de mes séjours dans différentes 

familles a donné l’idée à mon psychiatre, après six mois passés à 

l’hôpital, de me proposer une prise en charge en S.A.F.T associé à un 

H.J. Pour mettre cela en place il a d’abord fallu que je bénéficie de la 

C.M.U et d’une A.A.H gérée par un tuteur du fait de mon incapacité 

constatée par un expert. J’ai été très heureux d’apprendre que tout 

un dossier avait été transmis à mon sujet à la M.D.P.H. ainsi qu’à la 

C.P.A.M. Mon psychiatre, invoquant mon droit à l’information, a eu la 

gentillesse de m’expliquer que la V.AP. l’obligeait à renseigner le 

R.I.M.Psy à l’aide de la C.I.M 10. J’ai ainsi su que je souffrais de F22 

sans qu’il soit possible de trancher entre les sous items qui vont de 0 

à 9. J’en ai conclu à la nécessité de n’utiliser que la première lettre 

de chaque mot pour espérer être mieux compris. Je m’y exerce sans 

succès avec Georgette et Albert Faluche, ma nouvelle famille 

d’accueil. Ils sont très gentils et habitent une petite maison coincée 

entre deux autres dans une rue sans issue. J’y ai ma chambre et c’est 

bien plus calme qu’à l’hôpital, sauf les jours où ils reçoivent leurs 

enfants et petits enfants. Ces jours là je préfère aller me promener 

seul au Bois de Boulogne ou faire un tour au marché de Wazemmes. 

J’ai moins peur qu’au début de tous les engins à roues qui passent 

très vite à côté de moi ou qui coupent ma route en faisant beaucoup 

de bruit. Une fois, j’ai même voulu visiter l’Hospice Comtesse.  Cela 

m’a donné une idée pour répondre à la question de Jack Edward 

Gulliver sur l’hospice et la prison, sauf que je ne sais pas à quelle 

adresse lui écrire. J’y ai vu tableaux et objets qui ont à peu près mon 

âge et qui comme moi, ne paraissaient pas si vieux que ça. 

8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 juin 2008) 10 

D. GORANS « Létrange place à trois temps ! » 

 10 

Georgette et Albert font tout un travail avec moi pour favoriser 

mon autonomie. Ils n’emploient pas d’abréviations et me paraissent de 

ce fait plus humains qu’à l’hôpital. Lorsque j’évoque mon passé, ils ne 

me contrarient jamais, un conseil de mon psychiatre parait-il. A 

l’hôpital de jour, la plupart des autres m’évitent, ils disent ne pas 

toujours comprendre les mots que j’emploie. Elodie, ma meilleure 

copine, aime bien : elle prétend que je parle comme dans les films qui 

se passent il y a plusieurs siècles. Le psychiatre de l’hôpital de jour 

dit que la préciosité de mon langage est un signe de mon délire. Je 

trouve qu’il se moque un peu de moi. Il me fait rencontrer la 

psychologue toutes les semaines. Elle pense que la richesse de mon 

langage exprime la profondeur de ma subjectivité et parfois 

l’archaïsme pulsionnel de mon inconscient. Je ne comprends pas ce 

que ça veut dire, mais elle en parle surtout quand je lui raconte tout 

ce que j’aimerais faire avec Elodie en me souvenant de Jeannette. 

Avec Elodie je n’en parle pas, elle n’est pas comme la psychologue qui 

me demande de dire tout ce qui me passe par la tête…Alors j’attends 

qu’elle devine mais c’est bien long ! 

Toutes les semaines, Martine, mon infirmière référente du S.A.F.T. 

vient en V.A.D. discuter avec moi et la famille Faluche. Elle trouve 

que je fais des progrès pour l’autonomie et va proposer à mon 

psychiatre que je bénéficie bientôt d’un appartement thérapeutique. 

Je ne suis pas contre, si ça me permet d’y passer du temps 

thérapeutique avec Elodie… Mon psychiatre, je le rencontre toutes 

les deux semaines au moment de la piqûre. Il continue à hocher la 

tête d’un air entendu quand je lui parle de mon âge ou que je compare 

les trois familles qui m’ont accueilli à travers les âges. Il m’a même 

menacé de me ré hospitaliser si je persistais dans mes propos. Alors 

j’évite ces sujets avec lui, même lorsqu’il me tend un piège en me 

proposant d’en discuter : je souris sans dire un mot jusqu’à ce qu’il me 

pose une autre question : je préfère mille fois être en famille 

d’accueil qu’en prison, geôle, hospice ou hôpital !  

        

                                                 Au mois de mai 2008, Daniel Gorans 

     

8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 juin 2008) 11 

D. GORANS « Létrange place à trois temps ! » 

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