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6ème congrès du GREPFA France, Annecy (15-16 mai 2003) 1
G. Aluffi. Placement familial et soins en Italie
Gianfranco ALUFFI
Psychologue clinicien
Coordinateur du service d’AFT du DSM 5 b ASL 5 Région Piémont
Université de Turin
Placement familial et soins en Italie
La loi 180 du 1978, a sanctionné la clôture des hôpitaux psychiatriques en Italie et la
naissance renforcée des agences territoriales d’une psychiatrie du territoire.
Le Département de Santé Mentale Universitaire 5 B Hôpital San Luigi Gonzaga/ ASL 5 de
Collegno ( Région Piémont), a réalisé le franchissement et la fermeture définitive de l’Hôpital
La Certosa de Collegno, considéré l’un des plus grands hôpitaux psychiatriques d’Italie et
probablement d’Europe.
Aujourd’hui, après des années d’expérimentation et attentive vérification, le DSM 5B peut
compter sur un réseau complet de services et d’offres résidentielles alternatives aux
résidences hospitalières, parmi lesquels on signale le Service IESA pour l’Accueil Familial
Thérapeutique.
1. Un peu d’histoire
Après la loi du 14-02-1904 sur les asiles et les aliénés qui mentionnait la possibilité de soin
dans une maison privée, c’est le décret n. 615 de 1909 qui réglementa ce qui, pour la
psychiatrie italienne de l’époque, sur la vague d’enthousiasme suscitée par les expériences
belges, françaises, écossaises et allemandes, représenta un pari intéressant: l’accueil familial
thérapeutique d’adultes. L’exigence de fonder un tel service avait pour origine la situation
extrême dans la quelle se trouvaient les asiles italiens, réduits à des récipients prêts à
éclater en raison de la surpopulation. De plus, les coûts de gestion des établissements
représentaient pour les provinces une charge excessive souvent insoutenable.
Serafino Biffi, pionnier du patronage hétérofamilialen Italie, le désignait en 1854 comme
adapte pour les aliénés qui ne pouvaient pas jouir des habitudes monotones caractérisant les
journées des reclus dans les asiles. Impressionné par une visite à Geel, Biffi y voyait un lieu
où pouvait être mise efficacement en place la vraie cure morale qui consistait à tolérer
avec patience l’agitation du maniaque, et a éduquer avec amour le pauvre idiot, en entourant
tous les malades de calme et d’affectueux ménagements, en leur montrant des exemples
d’ordre et de diligence, en leur assurant une tutelle paternelle, sachant se taire à temps et à
temps s’adressant à leur coeur, parfois en les distrayant ou alors en les laissant en paix
éclater de chagrin.
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Il souligna qu’une visite à Geel aurait modifié grandement l’opinion des gens qui croyaient qu’il
n’y avait rien de mieux à offrir à un fou que l’asile, et que, si les progrès scientifiques avaient
élevé les aliénés à la dignité d’infirmes, la colonie belge lui semblait destinée, avec les
réformes adéquates, à les rapprocher des conditions sociales ordinaires.
En 1878, le professeur Verga, même s’il pensait que le meilleur soin relevait d’un asile bien
organisé, voyait des bénéfices possibles à confier certains malades à la garde de familles. Le
modèle d’accueil familial qu’il soutenait, et qu’il exhortait ses collègues à appliquer comme
élargissement du système asilaire, s’inspirait de Geel, avec de légères modifications.
Le ferrarrais Cappelletti soutenait un modèle proche du système écossais, appliqué à cette
époque en Allemagne à Dalldorf et à Herzberg, sur les bases suivantes:
ne pas confier les malades traversant une phase aiguë ( l’avantage de la liberté en
famille sera bien plus profitable si le malade a déjà senti le malaise de l’internement dans
l’asile);
les colonies comme Geel sont trop éloignées du lieu de provenance. Il faut de petites
colonies à proximité des asiles, alimentées seulement par les malades déplacés par chaque
institution. Selon lui, les critiques au traitement en famille étaient émises par des
médecins travaillant dans les asiles publics ou privés, au nom de leur intérêt et de leur
éducation.
Giulio Cesare Ferrari, directeur de l’asile d’Imola et pionnier de la psychologie italienne,
soutenait le patronage hétérofamilial car l’aliéné doit retourner à la famille pour reconquérir
la dignité de l’Homme puisque bien que modérée, la limitation de la liberté n’en reste pas
moins une limitation du Moi conscient, qui en a toujours à souffrir. Fin 1800, son attitude
peut être considérée comme révolutionnaire. In effet, il écrivit que l’existence des asiles
détermina fatalement l’idée de la dangerosité des aliénés, et que on arriva très tôt à
l’impossibilité de séparer l’idée de l’aliéné de l’idée de l’asile, provoquant l’abondance
excessive d’asiles dont l’existence réclame les malades qui, autrement, pourraient être
tolérés libres.
S’inspirant du modèle français (Dun-sur-Auron, Ainay-le-Château), il proposait les régions
abandonnées pour l’installation des futures colonies. Des couples d’infirmiers expressément
envoyés sur place étaient engagés pour l’assistance aux malades, et la colonie devait se
détacher, sur le plan sanitaire et administratif, de l’asile qui l’avait engendrée.
Contrairement aux pratiques de Geel, il excluait les paralytiques, sales, impotents,
alcooliques, impulsifs, agités, mélancoliques. Quant aux autres pathologies, il ne se basait pas
sur le contenu des délires mais sur le comportement du malade face à ceux-ci. Enfin, il situait
la limite de développement d’une colonie à 400 accueils familiaux.
Bien que le débat portait sur l’assistance familiale appelée patronage hétérofamilial et ses
différents modèles, en Italie, la pratique la plus répandue était la garde privée
homofamiliale. Presque à l’unisson, les spécialistes se rangèrent contre cette forme de
résidence pour les malades pour les raisons suivantes:
la famille n’a pas l’autorité sur le malade pour le contenir et lui donner une discipline;
les familles biologiques ne sont pas sélectionnées;
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les familles concernées étant pauvres, le subside versé pour l’assistance constitue leur
seule source de gain. Le monnayage de la pathologie peut indirectement provoquer la
chronicisation du trouble en transformant les disgrâces en ressource économique. De son
côté, la famille d’accueil peut toujours compter, à la fin d’un accueil, sur l’arrivée d’un
nouvel hôte.
Le professeur Augusto Tamburini, directeur de l’asile de Reggio d’Emilie, père du patronage
hétérofamilial italien, définit la garde privée homofamiliale comme un système utile seulement
à de déplorables spéculations. Au contraire, il plaida la cause de l’accueil familial
thérapeutique, proposa une loi destinée à sa réglementation, engagea et conduisit le service le
plus structuré et le plus durable de Patronage Hétérofamilial d’Italie: celui de Reggio d’Emilie.
2. La diffusion d’antan
Selon les sources ministérielles, le tableau suivant (nombre d’aliénés assistés en famille)
montre le degré du développement de l’accueil familial (homo/hétéro) en Italie, à l’époque.
Ville 1898
homo+hétéro
familial
1902
homofamilial
1902
hétérofamilial
1902
total
Florence 450 800 150 950
Reggio d’Emilie 57 48 150 68
Modène
Lucques 92 140 31 171
Arezzo 50 65 - 65
Pérouse 102 107 12 119
Pise 50 55 - 55
Ancône 28 35 21 56
Pesaro 14 30 - 30
Ascoli-Fermo 4 4 1 5
Milan-Mombello 5 2 - 2
Bergamo 38 36 - 36
Cremone 41 1 - 1
Naples - 50 - 50
Forli 1 15 - 15
Gênes - 2 - 2
Turin - 5 - 5
Sienne 80 47 33 80
Total partiel 1012 1142 268 1710
Aversa-Caserta 56 - - 56?
Autres provinces 349 - - 349?
Total 1417 - - 2115?
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En 1898, il y avait en Italie 1417 patients en famille, c’est à dire 4% des aliénés recensés. La
plupart résidait donc chez leur propre famille dans le cadre de la garde privée homofamiliale.
Les familles qui voulaient recevoir le subside pour la garde de leurs malades effectuaient une
demande accompagnée de certificats médicaux à la direction de l’asile qui favorisait ou non
l’assistance à domicile et la contribution économique de la Province. Dans la plupart des cas,
l’asile ne s’occupait plus du malade, tandis que la Province continuait à supporter la charge
financière. A Reggio d’Emilie, ce système comptait sur une surveillance par les institutions.
Même le système de garde privée hétérofamiliale qui, à Florence en 1902, comptait 150
accueils réussis, n’était pas réglé par des normes précises. Mis à part le fait qu’il s’agissait
d’une famille différente de la famille d’origine, le fonctionnement était le même que dans la
version homofamiliale. Ce type d’expériences existait aussi à Ancône et à Pérouse.
La littérature désigne le modèle de Reggio d’Emilie comme le système de patronage
hétérofamilial le plus fonctionnel et le plus efficace:
les accueillants recevaient un infirmier de l’asile pour garantir une expérience dans la
relation avec les gens atteints de troubles mentaux. Ce système est qualifié de semi-
professionnel;
le domicile des familles devait être à proximité de l’asile, pour faciliter les visites à
domicile du personnel et favoriser la surveillance;
avant de placer un malade, on vérifiait les conditions d’hygiène de l’habitation;
des normes de logement, de couvert, de traitement moral et physique du patient
étaient imposées. Le chef de famille signait une déclaration de prise de responsabilité.
Chez chaque famille, un registre mentionnait les frais engagés pour l’hôte et les contrôles
à domicile réalisés;
la famille recevait un trousseau, au besoin, un lit et du linge, logeait au plus deux
patients;
la somme journalière affectée par les provinces à l’asile, et attribuée par celui-ci à la
famille, était de 1,25 lire en 1902 (presque le double de celle accordée pour la garde
domestique);
les patients accueillis dans les familles pouvaient compter sur une vigilance médicale
assidue, et étaient invités à participer aux activités récréatives de l’asile (fêtes,
spectacles ).
Les premiers bénéficiaires étaient des femmes chroniques, tranquilles et propres, d’âge mûr.
Puis, le système a été étendu aux hommes et à d’autres pathologies.
Les malades étaient satisfaits. Entre eux et les familles s’établissaient de bonnes relations
affectives; ils se sentaient utiles puisqu’ils collaboraient aux travaux et recevaient une
rétribution.
Pour Tamburini, les postulats de travail étaient une attention maximale dans la sélection des
patients et des familles, une surveillance étroite par le personnel de l’asile, un règlement
précis et détaillé. Il avait pensé appeler le système de Reggio d’Emile: Système Village Extra
Asilaire ou Extension Coloniale de l’Asile.
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En quatre ans, le service est parvenu à 33 accueils. Six ont abouti au retour chez eux des
patients améliorés considérablement; six à l’internement dans un asile. Fin 1917, il atteignait
le chiffre considérable de 90 hôtes (71 femmes et 19 hommes). En 1929, il était encore
considéré comme une solution d’hébergement pour des déplacés tranquilles et inoffensifs. Il
s’est éteint début 1970 pour des raisons liées au bouleversement social de la seconde moitié
du siècle (clivage de la culture paysanne, forte urbanisation, évolution de l’institution
familiale).
L’expérience de Lucques, pilotée par le docteur Cristiani, présentait beaucoup d’analogies avec
celle de Reggio, et dans les trois premières années, elle totalisa 31 accueils. Se posèrent alors
des problèmes avec l’Oeuvre Pieuse qui gérait l’asile car, à mesure que les déplacements
augmentaient, elle voyait diminuer le nombre des pensions sur lesquelles elle pouvait compter.
Le modèle d’Imola, mise en oeuvre par Ferrari, utilisait le patronage hétérofamilial, non pour
évacuer les asiles, mais comme instrument de soin et de réhabilitation du patient.
Généralement, un membre de la famille devait être infirmier professionnel.
Par contre, à Nocera, selon le docteur Ventra, l’expérience se révéla ruineuse puisque les
familles, en l’absence de contrôle, abandonnaient le fou et encaissaient seulement le subside.
3. La situation actuelle
Actuellement, l’accueil familial pour des personnes suivies par les services psychiatriques
existe dans des situations particulières, rares, de manière éparse sur le territoire, non
quantifiées, souvent improvisées et non référées à un modèle spécifique.
Dans ces dernières années, comme on peut le voir sur les tableaux, les services qui travaillent
selon cette modalité se sont multipliés en passant de 11 du 1999 aux 24 du fin 2002. Les
raisons de cette expansion nous parlent d’un travaille minutieux de divulgation et de
formation mené par le service IESA en Italie et couronné par la réalisation de deux congrès
nationaux (Turin - Lucques), non seulement d’un livre mais de beaucoup de publications.
Situation 1999
Asl 5 Dsm 5b Collegno Piemonte
Asl 8 Chieri Piemonte
Asl est Brunico Trentino Alto Adige
Asl 2 Lucca Toscana
Asl 5 Jesi Marche
Asl 9 Trapani Sicilia
Asl 1 Sassari Sardegna
Asl 3 Nuoro Sardegna
Asl 4 Nouro Sardegna
Asl 6 Cagliari Sardegna
Asl 8 Cagliari Sardegna
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Situation 2002
De 1999 à 2002 les services suivants vont s’ajouter aux précédents.
Dsm 5a Asl 5 Rivoli Piemonte
Dsm Asl 7 Settimo Piemonte
Dsm Asl 10 Pinerolo Piemonte
Dsm Asl 19 Asti Piemonte priv. Soc.
Dsm Asl 10 Firenze Toscana
Dsm Asl Pisa Toscana
Asl Livorno Toscana
Asl 20 Verona Veneto
Asl 29 Monza Lombardia
Asl 33 Rho Lombardia
Asl 9 Treviso Veneto
Asl Parma Emilia Romagna
Asl Ravenna Emilia Romagna
4. Qu’est ce que c’est le IESA?
Par IESA, il faut entendre « insertion en accueil familial pour adultes souffrant de troubles
psychiques », à savoir l’intégration d’une personne suivie par un service psychiatrique dans une
famille volontaire, sélectionnée et formée sur un plan plus pratique que théorique.
La cohabitation qui se crée ainsi pourra compter, pendant toute sa durée, sur le soutien des
acteurs du IESA.
Le milieu d’accueil peut être composé d’un seul membre; l’essentiel étant que l’accueillant
dispose d’un espace suffisant, occupe un rôle clair pour remplir ses fonctions envers l’accueilli,
ceci avec le soutien de l’équipe.
L’objectif du IESA est de restituer à la société ces personnes qui, par une mésaventure
clinico-existentielle, se sont trouvées en grande souffrance, souvent dans des conditions de
solitude intense ou dans des contextes d’enfermement inadéquats et aliénants.
L’insertion en famille d’accueil peut être répartie en trois catégories : à court, à moyen et à
long terme.
À court terme, l’intervention est focalisée sur la période de crise qui touche le patient ou son
environnement habituel. La durée de placement varie de quelques jours à un ou deux mois
selon qu’il s’agit de faire face à une phase aigu symptomatologique ou à un simple besoin de
décontextualisation. Parfois, des personnes sont hospitalisées en psychiatrie alors que leur
état ne présente pas de caractéristiques propres à justifier une telle orientation. Le motif du
recours à l’hospitalisation relève objectivement de la faiblesse ou même de la crise du
système dans lequel vit le patient, laquelle se répercute ponctuellement sur le plus fragile,
autrement dit le bouc émissaire. Actuellement, très peu d’expériences d’accueil familial à
court terme sont opérantes. Les plus significatives sont le « Crisis Home Programm » du
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comté de Dane aux Etats-Unis créé en 1987, et les « Crisis Farm » éparpillées sur le
territoire piémontais et gérées par la coopérative sociale « Alice nello specchio » de Turin et
il y a quelques mois j’ai connu la situation de Lille. Depuis quelques mois, en collaboration avec
l’Université de Turin et la coopérative sociale « Progest », nous travaillons aussi à un projet
d’accueil familial à court terme et à temps partiel qui viendrait compléter l’accueil familial à
moyen et à long terme existent depuis 1999.
La particularité de ce type d’interventions réside dans le processus de décontextualisation
environnementale souvent très utile pour surmonter les moments difficiles. Réaliser le
placement dans un cadre familial et familier, et non dans un cadre hospitalier, facilite et rend
moins dramatique la période de crise pour le sujet. Ce point est confirmé par Russel Bennet,
responsable du «Crisis Home Programm » qui soutient que de nombreux patients ainsi pris en
charge se rendent spontanément au service pour demander à être accueillis dans une famille
lors d’une période de crise. On est loin des drames qui caractérisent nombreux de placements
en hôpital psychiatrique, en particulier lors des hospitalisations à la demande d’un tiers.
Le traitement des périodes de crises par l’accueil familial à court terme nécessite une
excellente communication entre les médecins, les infirmiers, les intervenants médico-sociaux,
l’équipe IESA et les accueillants.
À moyen terme, l’intervention consiste en une phase utilitaire dans l’objectif d’une
réhabilitation. On présume que le sujet est capable, dans un délai inférieur à deux ans, de
retrouver une autonomie suffisante pour vivre dans un logement protégé ou dans sa propre
maison. Ces programmes s’adressent généralement à des personnes jeunes et employées dans
des activités professionnelles de réinsertion, ou réhabilitées dans ou en dehors des circuits
psychiatriques. Cette formule demande un travail de synergie entre les agences, c’est-à-dire
entre les diverses équipes du département de santé mentale sur le territoire : par exemple,
assistants sociaux, psychiatres, groupes thérapeutiques que le patient continue à fréquenter.
Elle se pose en alternative aux structures fermées dans lesquelles la réhabilitation est
souvent compromise, ne serait-ce qu’au niveau structurel. Avec l’accueil familial à moyen
terme, le sujet expérimente des relations sociales « normales » et s’émancipe de son rôle de
patient. La famille d’accueil joue le rôle de nid protecteur lors des phases critiques du
parcours d’autonomisation. Son travail exige une grande souplesse afin de moduler le niveau
de protection assurée en fonction des besoins de l’accueilli. En ce sens, l’intervenant du IESA
assume un rôle déterminant de soutien et de supervision quant à la dynamique de la relation
famille d’accueil accueilli.
L’accueil familial à long terme est d’une durée supérieure à 2 ans. Il vise davantage des
personnes dont l’âge, les difficultés psychiques et physiques et les besoins d’assistance, ne
permettent pas d’envisager le retour à la société dans un lieu moins protégé. Or, les familles
d’accueil se révèlent parfois des espaces dans lesquels une fonction significative s’acquiert à
nouveau : des personnes âgées retrouvent le rôle de grands-parents « adoptifs » avec tous les
effets affectifs et relationnels ainsi engendrés, d’autres récupèrent sur le plan social et sur
celui des gestes du quotidien. De telles relations sont préservées jusqu’au décès de la
personne afin de lui éviter d’inopportunes et dommageables, voire de fatales successions
d’hospitalisations.
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Ces dernières années, l’intérêt pour l’insertion en famille d’accueil s’est développé, en
particulier dans les services psychiatriques et gériatriques. On doit ce développement à
l’efficacité thérapeutico-réhabilitative offerte à moindre coût. Pourtant, l’expérience nous
enseigne qu’un accueil familial fondé sur la seule dimension économique est une mauvaise
solution, et que cette pratique exige une grande vigilance quant à la sélection et à la
formation des futurs accueillants.
Mais c’est en fait la compétence de l’intervenant qui rend possible l’alchimie transformant le
social de lieu d’exclusions en espace thérapeutique. L’élément central est la famille d’accueil,
véritable creuset de vie, d’expérience et de croissance protégée au sein d’un environnement
social de plus en plus complexe. L’accueil familial, avec ses relations dynamiques et ses figures
d’identification et d’attachement, est un lieu d’intégration et d’affection qui rend possible le
retour à la vie sociale, à un rôle et à une identité nouvelle. Le patient du service de
psychiatrie, le résidant de la clinique redevient un citoyen avec une vie privée, son nom sur
une boîte aux lettres et sur la sonnette d’une maison, des personnes de référence qui ne sont
plus des professionnels de la psychiatrie inévitablement vecteurs de relations asymétriques
et artificielles.
Parallèlement à cette conquête des libertés et droits bafoués dans les institutions
totalitaires, se produisent des retrouvailles avec des mécanismes de développement
psychologique dont les familles d’accueil sont le support idéal. S’expérimente pour la seconde
fois (et l’on espère ne pas faillir cette fois) la séparation d’avec les images parentales
permettant l’individuation. À ce propos, je trouve approprié le terme « nachreifung », « post-
maturation » en français, du Dr Konrad, de Ravensburg, pour illustrer le processus de l’accueil
familial comme seconde chance pour que le sujet puisse se retrouver, se « frotter » de
nouveau à la vie, penser que tout n’est pas perdu, soustraire son destin à la catégorie des
patients chroniques, mesure assez fidèle de l’inadéquation thérapeutique de l’approche
psychiatrique classique au regard du malaise psychique.
Au moins au niveau théorique, la référence dominante est le modèle socio-psycho-biologique,
ou en changeant l’ordre des mots mais pas leur prégnance, bio-psycho-sociale. Un tel modèle
indique très clairement les circuits dans lesquels se manifestent les changements dans l’action
d’un processus de guérison.
L’attention portée à une seule de ces trois composantes caractérise les institutions
psychiatriques, lesquelles entendent la thérapeutique comme une intervention exclusivement
axée sur le malaise biologique du patient. Sans vouloir aucunement éliminer les hospitalisations
longues, il faut reconnaître que ces solutions, caractérisées par des coûts de gestion élevés et
des résultats modestes, portent en elles les traces de la culture asilaire incarnée par la
concentration massive des sujets en souffrance et par leur mise à l’écart du monde et des
soi-disant sains d’esprit.
La personne souffrante se trouve donc souvent être l’objet de thérapies exclusivement
médicamenteuses, sans effets ou inhibantes, dans des contextes aliénés et aliénants qui ne
prennent pas en considération, ou alors de manière inadaptée ou improductive, le versant
psychologique et social de l’intervention thérapeutique de réhabilitation.
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Il serait intéressant d’ouvrir le débat sur les raisons de cette dérive en faveur du versant
biologique, sur le dogmatisme avec laquelle la psychiatrie regarde cet inefficace déséquilibre
d’approche, et sur les coûts sociaux ainsi engendrés. Qui en tire avantage ? Certes pas les
patients ! On notera que la formation des professionnels est validée par la diffusion des
résultats d’une recherche scientifique toujours plus au service de qui la finance, toujours
moins objective, s’attachant encore moins au bien-être des sujets traités. Une recherche en
priorité orientée vers des objets d’étude commercialisables à grande échelle, avant tout en
mesure de générer des profits. Du reste, il est désormais évident que l’espace réservé à la
dignité et au respect de la personne humaine se restreint dans un système dominé par l’argent
dans lequel, si l’on est atteint d’une maladie rare, on risque de ne pas trouver le traitement
car l’entreprise a interrompu la production en raison des faibles ventes réalisées.
4. Le service IESA du département de santé mentale 5b du Piemont
On va parler maintenant du fonctionnement concret de notre programme pour l’accueil familial
thérapeutique. Le service IESA, projet préparé pendant un an avant de devenir opérationnel
en décembre 1998, est une expérience pilote aux niveaux national et international étant
donné le cadre à partir duquel il fonctionne, à savoir le Département de Santé Mentale, et non
un hôpital psychiatrique comme dans la plupart des pays. Cette différence substantielle fait
contrepoids entre un modèle centré sur les hôpitaux, les cliniques ou les asiles et un modèle
déconstitutionnaliser qui prend en compte le malaise psychique dans le cadre de l’intervention
territoriale. D’où l’originalité et la valeur innovante de l’expérience.
L’activité est encadrée par des lois « guides » et par un contrat signé au début de la période
d’essai par la famille d’accueil, le patient et le Département de Santé Mentale (DSM). Un
règlement définit les bénéficiaires du programme, les organisateurs, le personnel, les
prestations du DSM, les modalités de remboursement des frais d’accueil et les assurances.
La famille reçoit 930 euros par mois par l’accueilli. Le DSM, lorsque c’est nécessaire, aide
l’accueilli afin qu’il dispose d’environ 150 euros par mois pour ses dépenses personnelles et de
930 euros (comme rembourse pour la famille).
L’accueil familial d’une personne revient donc à environ 1 080 euros par mois, auxquels il
convient d’ajouter les coûts d’organisation administrative et de suivi thérapeutique. Au total,
le coût mensuel maximum d’un accueil familial s’élève à 2 300 euros.
Le service IESA est composé d’un coordinateur et d’un certain nombre d’intervenants
(counsellors) variant selon le nombre d’accueils familiaux suivis, sur la base d’un intervenant
pour 10 accueillis. L’équipe doit, par ailleurs, compter sur l’indispensable instrument de
supervision hebdomadaire des dynamiques relationnelles familiales. Concernant l’activité
ambulatoire des infirmiers ou éducateurs auprès de l’accueilli, elle est progressivement
reprise par l’intervenant IESA chargé de l’accueilli et de la famille d’accueil pour toute la
durée de leur cohabitation. L’accueilli peut continuer à bénéficier de structures (telles que le
centre de jour, l’intervention des assistants sociaux départementaux et autres) ceux-ci
travaillant en synergie avec le coordinateur et l’intervenant du IESA tout comme les services
territoriaux, psychiatriques ou non.
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Les familles, après avoir suivi le parcours de sélection et de formation, sont rentrées dans
une banque de données dans laquelle elles peuvent rester longtemps, parfois plus de 2 ans,
avant d’accueillir un patient. Cette longue période d’attente s’inscrit dans la philosophie du
IESA qui tend à éviter la systématisation pour privilégier la « bonne famille » pour le « bon
patient » afin de favoriser une « bonne cohabitation». Il arrive que cette période d’attente se
transforme en désistement pour des familles dont les conditions de vie ont évolué, les
rendant moins favorables à l’accueil à domicile.
Les motivations des candidats sont fortement déterminées par un besoin d’intégration
économique. Il est rare d’avoir affaire à des familles d’accueil en grandes difficultés
financières même si, ces derniers temps, on constate une augmentation de l’intérêt de
familles au chômage, sans chambre pour le patient, voire sans autorisation de séjour sur le
territoire. L’existence d’une chambre à usage exclusif de l’accueilli étant la condition sine qua
non pour poser sa candidature, nous sommes amenés à cesser le travail de sélection de
familles qui présentent pourtant de bonnes dispositions.
La famille du patient, lorsqu’elle est présente, n’est pas a priori exclue du projet
thérapeutique. Mieux, elle est l’objet d’une attente particulière afin qu’elle se transforme en
ressource et non en obstacle. À travers l’information quant à l’existence du service et quant
au projet que l’on souhaite actualiser avec la famille du patient, il arrive souvent que celle-ci
rétablisse un contact avec lui et communique des informations utiles sur son passé.
La famille d’accueil, de son côté, n’étant pas impliquée émotionnellement dans l’histoire de
l’accueilli et par ses comportements, interagit avec lui de manière spontanée. L’ambiance
familiale type, représentée par les familles sélectionnées et habilitées à accueillir, est
ouverte, souple, et exprime une chaleur et une affection qui ne sont pas relayées par un rôle
professionnel. Elle est en mesure d’offrir soutien et assistance liés aux besoins de l’accueilli,
de l’aide à programmer une journée aux conseils pour affronter les vicissitudes de la vie. Elle
est par ailleurs insérée dans un système de relations ancré dans le tissu social.
En fait, la famille d’accueil du IESA est un exemple de reconnaissance et de valorisation de
l’intervention non-professionnelle en psychiatrie. Au vu des écrits scientifiques, de notre
expérience et des échanges avec les autres services d’accueil familial existants, et au-delà de
la dimension économique retenue par l’administration, le IESA se distingue des autres modes
de placements psychiatriques par la meilleure qualité de vie offerte. L’accueil familial est une
solution transitoire, basée sur une assistance permanente et non-professionnelle, en vue d’un
parcours ultérieur non institutionnalisé. Il a en outre été constaté que les comportements
asociaux du patient diminuent et que ses capacités relationnelles s’améliorent. Le bon
« monitorage » et la réduction conséquente des doses de médicaments atténuent la
symptomatologie, diminuent les rechutes, et favorisent l’intégration de handicapés psychiques
dans la société avec réduction de la stigmatisation et des préjugés.
Sur un autre plan, l’application du programme IESA à grande échelle aurait un effet positif
sur le niveau économique de familles et de célibataires.
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G. Aluffi. Placement familial et soins en Italie
De plus, il répond véritablement aux objectifs de la loi Basaglia (n° 180 ; 1978) qui préconisait
la fermeture des institutions asilaires et confiait aux services territoriaux le devoir de
trouver des solutions pour garantir aux patients déshospitalisés un hébergement et un mode
de vie à valeur thérapeutique et réhabilitative.
Accueils réalisés du 1/1/1999 au 1/4/2003
Les patients envoyés au projet d’accueil familial thérapeutique sont 32.
Les patients pas aptes à l’accueil sont 10 (dont 6 pour raisons cliniques et 4 pour raisons
administratives).
Les accueils réalisés sont de 14 et 4 en préparation.
Les renoncements sont au nombre de 4 (3 par le psychiatre et 1 par le patient).
Les situations terminées sont encore 4 (1 patient est mort et 3 habitent maintenant des
appartements supportés par les opérateurs du département de santé mentale).
Les familles agrées et formées sont 54 (dont 17 ont abandonné le projet avant de devenir
accueillantes à cause des longues temps d’attente).
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