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8ème congrès du GREPFA France, Paris (29-30 mai 2008) 1
M. et Mme Latourte, J.-J. Vauchel, Parcours de Françoise
M. Y. et Mme C. Latourte,
Accueillants familiaux, Les Grands Ifs (76)
Jean-Jacques Vauchel,
Psychologue, Unité d’Accueil Familial Thérapeutique de l’Hôpital du Havre
« Parcours de Françoise »
Cette intervention à propos d’une patiente accueillie en lieu de vie se veut être une
intervention à plusieurs voix : - nous même, Mr Y. et Mme C. Latourte les responsables du
lieu de vie et Mr J.J Vauchel, psychologue et responsable de l’unité d’Accueil Familial
Thérapeutique pour adulte de l’Hôpital du Havre. Il évoquera pour sa part, la pathologie de
la patiente accueillie puis en parallèle à notre propos le fonctionnement de son service et les
diverses interactions entre le lieu de vie et l’équipe d’accueil familial.
Le Lieu de Vie et d’Accueil Les Grands Ifs est situé dans un château. Ce lieu de
vie travaille en étroite collaboration avec l’AFTA du Groupe Hospitalier du Havre filière
Santé Mentale, représenté ce jour par Mr Vauchel. Des rencontres hebdomadaires ont
lieu avec cette équipe afin de faire le point sur les résidents.
Description rapide du lieu de vie.
Les résidents font l’expérience de la communauté pour un retour dans la vie
sociale, en adhérent aux règles.
Ce groupe vit avec un système de règles cohérentes avec une attention
particulière de nous-mêmes et des employés pour répondre à tous leurs besoins. Chacun
recevra des responsabilités dans son secteur, apprendra à gérer ses émotions et ses
besoins même en situation de stress.
Jour après jour, la vie dans la communauté les amènera à s’accepter, à s’occuper
d’eux, à harmoniser leur vie dans le but de se préparer à l’intégration en société (pour la
première fois pour certains).
PRESENTATION DE FRANCOISE
Françoise a été hospitalisée en 1995 à l’age de 17 ans. Les années 1997 à 1999
furent difficiles, elle était extrêmement violente ce qui la conduisait en chambre
d’isolement. De 2000 à 2003 elle a fait des séjours dans une communauté thérapeutique.
Le 6 septembre 2005, elle a été présentée au château, son traitement comprenait de
fortes doses de neuroleptiques, anxiolytiques et antipsychotiques.
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Anamnèse rapide (JJ V) : Cette patiente, Françoise, est âgée de 23 ans
lors de sa présentation à l’AFTA par son médecin psychiatre et les infirmières
référentes du pavillon.
Le tableau qui nous en est fait alors, mais aussi la réputation de la patiente qui
la précède au sein de l’institution nous fait penser que la prise en charge en famille
d’accueil parait pour le moins assez improbable !
Toutefois les éléments recueillis au cours de cette présentation ainsi d’ailleurs
que la vitalité de l’équipe référente du pavillon nous fait penser, à nous équipe de
l’AFTA, que même si l’enjeu est de taille, nous devions d’aller plus avant et au terme de
cette 1ere rencontre, proposer à Françoise un 1er entretien, en conformité avec notre
pratique, afin d’évaluer son adhésion personnelle avec le projet de soin élaborée avec
elle.
Présentation clinique rapide : Psychose infantile décelée a 3ans 1/2 en raison de
troubles du comportement.
Durant la même période il sera question de crises d’épilepsie avec convulsions et
coma. Elle sera en parallèle régulièrement suivie en CMP.
En raison d’une situation familiale qui interdisait le maintien à domicile (la mère
présentait un syndrome dépressif et le père un alcoolisme chronique) elle sera accueillie
en famille d’accueil.
A l’age de 7 ans, Françoise est placée dans une MECS, pendant 1 ans 1/2, puis
dans une autre institution en raison de ses troubles du comportement.
Dés lors, après un retour en famille entre 9 et 15 ans, durant laquelle elle suivra
une scolarité jusqu’en 3eme SEGPA, elle aura un parcours assez chaotique, rythmée
divers placements en institution.
A 15 ans, elle sera notamment placée dans un foyer de l’ASE, suite à des
problèmes d’agressivité.
Lors de ses divers placements, il est noté une grande variabilité dans le
comportement de Françoise, oscillant entre des phases où l’agressivité est au premier
plan et des phase où une insertion sociale set possible et investie (ex. : il est question
d’un stage de palefrenier en 1994).
Toutefois en 1995, l’aggravation de ses troubles du comportement, à caractère
violents, nécessite son hospitalisation en psychiatrie adulte, en placement pour mineur.
Dans le service elle présente dés lors une symptomatologie psychotique nette,
avec notamment un délire mal structuré, à thème de possession diabolique, avec des
hallucinations visuelles et auditives, des bizarreries de comportements, avec un contact
parfois fuyant et une ambivalence affective entraînant un comportement alternant des
phases de violences auto et hétéro agressives et enfin une recherche affective intense.
Lors de son hospitalisation il y aura des périodes de violences aigues qui aura pour
conséquence son hospitalisation en UMD.
L’évolution du traitement neuroleptique se fera progressivement, se traduisant
par une diminution puis une disparition du délire, entraînant par la même une disparition
de ses troubles du comportement.
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Premier placement en communauté thérapeutique (lieu d’accueil de l’AFTA) en
2000, Il s’agit de courts séjours (1 semaine). 2 séjours au cours du 2eme semestre.
- 5 en 2001, dans le même lieu
- 3 en 2002
- 3 en 2003
En 2005 début de l’accueil dans le lieu de vie du Château.
LES PREMIERS SEJOURS
Françoise est âgée de 27 ans.
La durée des premiers séjours est de 3 jours.
Elle est très lente, son poids est aussi un handicap : 138 kgs. Elle est
envahissante et demande beaucoup d’attention. Avec diplomatie nous lui expliquons
qu’elle ne peut monopoliser la conversation et que les autres résidents ont aussi des
choses à faire partager. Au fil des séjours, un lien se créé et nous essayons de
combler son manque d’affection comme nous l’aurions fait pour une petite fille. Elle
attache beaucoup d’importance aux petits mots doux que nous lui attribuons (ma puce,
ma bichette ).
Réveiller Françoise le matin demande beaucoup d’énergie. Il faut s’y prendre en
plusieurs fois. Entre le moment où elle accepte de se réveiller et le lever, il faut
compter une heure en moyenne. Le temps peut paraître long mais nous essayons de la
réveiller en douceur.
Aussitôt levée, du fait de son énurésie nocturne quotidienne, Françoise doit
impérativement commencer par une douche. Elle n’aime pas faire sa toilette et préfère
dormir davantage plutôt que se laver. Elle reste longtemps sous la douche, laisse l’eau
couler sur sa tête, les yeux fermés, sans la force de se laver. Nous devons donc
intervenir pour l’aider à la toilette ainsi que pour s’habiller. Le temps de lui servir son
petit déjeuner, nous la retrouvons endormie devant son bol. Après avoir débarrassé son
petit déjeuner, nous l’invitons à changer les draps de son lit et ranger sa chambre
qu’elle a très vite personnalisée.
Il est ensuite l’heure de passer à table pour le déjeuner. Lors des repas,
Françoise se sert des portions considérables. Une fois le repas terminé, elle doit
participer à la vaisselle avec les autres résidents, chose qu’elle fait avec une extrême
lenteur. Elle intègre ensuite sa chambre pour y dormir jusqu’à 16H00, le réveil est moins
difficile que celui du matin.
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Après le goûter, une marche dans le parc ou en ville lui est proposée, elle
l’accepte sans difficulté mais toujours à son rythme. Lors de ses promenades, elle est
seule avec l’un de nous pour privilégier ses échanges. Elle nous parle beaucoup de son
enfance et de son adolescence difficile. Nous la réconfortons du mieux que nous
pouvons. Au retour elle est épuisée et reste assise jusqu’au dîner. Elle se couche aux
alentours de 20H30.
Nous constatons au fil des séjours que Françoise dit des mensonges, identiques à
ceux d’un enfant, nous la corrigeons dans la même dimension.
Passionnée d’équitation mais trop forte pour monter à cheval, un cours d’attelage
lui est proposé lors de chaque séjour à la place d’une promenade. Nous lui laissons
entendre que si elle maigrit elle pourra monter à cheval.
Ce rythme a duré plusieurs mois car si au 3ème jour nous trouvions une légère
amélioration, elle disparaissait durant son hospitalisation.
Chaque année, Françoise demande de passer les fêtes de Noël et Jour de l’An au
château. Françoise les vit comme une petite fille émerveillée, nous la mettons dans la
confidence des achats des cadeaux des autres résidents, elle participe avec nous à
l’achat des décorations et de tout ce qui rend ces fêtes magiques.
JUIN 2007
Françoise est demandeuse pour prolonger son séjour au château, elle vit mal les
retours à l’hôpital. Elle obtient un refus de son psychologue à cause de son énurésie, il
attend un effort de sa part. Quelques séjours plus tard : disparition de l’énurésie du
jour au lendemain, Françoise dit avoir travaillé dans sa tête.
Nous ne manquons pas de la féliciter et de lui dire à quel point nous sommes fiers
d’elle. Pour l’occasion, nous lui offrons un restaurant.
Progressivement son traitement se trouve réduit par son Médecin psychiatre
réfèrent, du fait de son comportement plus apaisé.
De la même façon, compte tenu de ses progrès constants et de son
comportement ses temps de séjour sont prolongé, dans un premier temps à une semaine
et cela durant plusieurs mois puis à 10 jours, sauf exception : 3 semaines en août 2007
pour les vacances.
Au fil des mois le moment du réveil devient nettement moins difficile, deux voir
trois rappels suffisent. Elle descend directement déjeuner, toujours lymphatique mais
beaucoup moins qu’au début. Elle prend ensuite sa douche seule, se lave le corps, s’habille
et nettoie sa chambre. Il est environs 11H00 lorsqu’elle revient dans les pièces
communes où elle participe à la préparation des repas.
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Mise en place des activités et des responsabilités. Sa passion nous amène à lui
confier la responsabilité et le soin de 5 chevaux. Cette activité s’ajoute à ses
occupations matinales. A présent, Françoise se lève entre 8H30 et 9H00 et sa matinée
est occupée à cent pour cent. A table, elle restreint ses portions, ce qui lui demande
beaucoup d’efforts. Après les repas elle participe plus activement à la vaisselle. Elle ne
souhaite plus se reposer l’après midi et est demandeuse d’activités.
JANVIER 2008
Elle s’est sentie très bien lorsqu’elle a quitté la psychiatrie pour un foyer.
Actuellement Françoise vient 10 jours au château, repart 3 jours dans un foyer du
Groupe Hospitalier du Havre « La barrière d’or » et revient 10 jours et ainsi de suite.
Françoise est transformée, son traitement est diminué de ¾ depuis son arrivée.
Elle est gaie, sociable et beaucoup moins envahissante qu’au début. Les mensonges se
sont estompés. Elle sait qu’elle a sa place dans le lieu de vie et que nous sommes
tous attachés à elle.
Elle occupe ses journées sans se recoucher, préfère être occupée plutôt que ne
rien faire à l’inverse des premiers séjours. Nous mettons en application son expérience
acquise à l’école de couture et lui confions tous nos vêtements à retoucher ou autre.
C’est avec fierté qu’elle manipule la machine à coudre achetée spécialement pour elle. La
encore, nous ne manquons pas de la remercier et de la féliciter de son travail.
Elle est motivée par sa perte de poids 20 kgs. Elle fait davantage d’exercices
physiques. Ses déplacements sont beaucoup plus rapides. Son hygiène corporelle
quotidienne est devenue habituelle et n’est plus contraignante. Elle change de vestiaire
pour des vêtements plus coquets et commence à se maquiller.
Elle peut aujourd’hui monter à cheval ce qui lui procure un bien fou et une grande
fierté. Elle souhaite intégrer un groupe dans un centre équestre pour des cours
collectifs. Elle commence dans quinze jours.
Les années passées, lorsque Françoise partait en vacances, elles se déroulaient
obligatoirement dans un centre spécialisé. Cette année, à sa grande joie, avec deux
autres résidents et moi même, elle a choisi son lieu de vacances et a opté pour la
location d’un mobil home dans un terrain de camping aménagé. Depuis plusieurs semaines
elle épargne pour pouvoir dépenser davantage en vacances.
Quant à son traitement, elle le gère parfaitement, est consciente de l’importance
de la prise de ses médicaments et préparent elle-même ses piluliers.
Les parents de Françoise sont décédés durant son hospitalisation. La relation
avec son frère a repris depuis peu. Elle y est invitée un week-end par mois à sa grande
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joie. Elle est très fière de lui et de sa réussite professionnelle. Sa belle sœur a
également pris une grande place dans sa vie.
Aujourd’hui, Françoise se projette dans le temps. Parle de ses projets
d’appartement, d’aménagement de celui-ci, de sa situation géographique. Ses efforts ont
été considérables et toujours présents. En plus de prendre soin d’elle, elle s’intéresse
aussi aux autres. Elle est serviable et agréable envers tout le monde. Elle est très
attentionnée à deux personnes âgées qui intègrent le lieu de vie et veille à ce qui ne leur
manque jamais rien. Elle aime les gens qui l’entourent et ils le lui rendent bien.
Prochainement elle revoit son psychiatre et nous a fait part de son souhait de continuer
à baisser son traitement.